Le sous développement africain à la lumière du Darwinisme universel

17 octobre 2013

Le sous développement africain à la lumière du Darwinisme universel

Le sous-développement du continent africain  est sans doute l’une des problématiques qui ont fait le plus couler d’encre ces dernières années , tant de publications, de sommets des chefs d’Etat, de colloques, de  séminaires ou autres formes de rencontres politiques ou  savantes à travers le monde, sont chaque jour consacrés à la question, sans grands succès jusqu’à nos jours.

Et pourtant, il doit bien y avoir un déterminisme et une voie de sortie de cette situation.,  ,une application de la théorie de l’évolution des espèces par la sélection naturelle élaborée par Darwin dans les sciences sociales peut-elle contribuer à la redéfinition de la causalité? Le Darwinisme Universel offre une piste de réflexion cohérente et crédible.

 

 

 

L’évolution selon Darwin

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Très célèbre au XIXe siècle, le naturaliste anglais Charles Darwin a incontestablement marqué le monde de la biologie. En consacrant sa vie à approfondir ses recherches sur l’évolution des espèces vivantes, il a formulé l’hypothèse selon laquelle toutes les espèces vivantes ont évolué au cours du temps à partir d’un seul ou quelques ancêtres communs grâce au processus connu sous le nom de sélection naturelle. Sa théorie est résumée de façon simple dans l’introduction de l’Origine des espèces : « Comme il naît beaucoup plus d’individus de chaque espèce qu’il n’en peut survivre, et que, par conséquent, il se produit souvent une lutte pour la vie, il s’ensuit que tout être, s’il varie, même légèrement, d’une manière qui lui est profitable, dans les conditions complexes et quelquefois variables de la vie, aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi d’une façon naturelle. En raison du principe dominant de l’hérédité, toute variété ainsi choisie aura tendance à se multiplier sous sa forme nouvelle et modifiée. »

Si le concept de sélection naturelle élaboré par Darwin a profondément marqué la pensée moderne, les tentatives d’exporter cette théorie, assez fascinante pour son époque, hors du champ de la biologie ne se sont pas fait attendre surtout que Darwin lui même avait déjà suggéré que les mécanismes concernant l’évolution  des espèces animales qu’il avait découvertes pouvaient également s’appliquer à l’évolution de la culture humaine. C’est  Herbert spencer, savant contemporain de Darwin et tout aussi influent que lui, qui applique le principe de « la survie du plus apte » aux sociétés humaines et formule pour la première fois, le principe du darwinisme social, une théorie qui postule que l’hérédité (les caractères innés) aurait un rôle prépondérant par rapport à l’éducation (les caractères acquis). Cette théorie qui postule la hiérarchisation des races humaines et la disparition des êtres les plus faibles pour laisser la place aux races et aux êtres les mieux armés pour survivre a servi de base scientifique à plusieurs concepts politiques liés à la domination par une élite, d’une masse jugée moins apte au nombre desquels le colonialisme, l’eugénisme, le fascisme et le nazisme

 

Cette première aventure de la sélection naturelle hors du champ de la biologie a séduit un moment la communauté scientifique avant d’être unanimement décriée par tous.  Comme il fallait s’y attendre, cette désillusion  rendit suspect toute les tentatives d’application des idées de Darwin en dehors du champ de la biologie. Ce n’est qu’au début du 20ème siècle que Thorstein Veblen, un économiste américain du début 20ème,le premier, évoqua dans ses travaux que la sélection naturelle a non seulement lieu au niveau génétique mais à une multitude de niveaux, en particulier au niveau des institutions et des habitudes humaines. Vers le milieu du vingtième siècle, Donald T. Campbell, proposa à son tour, sans grand succès, une application du principe de sélection naturelle dans les sciences sociales en tentant d’expliquer le développement des connaissances par ce mécanisme.

Mais, à partir des années 70, il y a une explosion de la pensée appliquée à l’évolution du comportement humain et des adaptations humaines.  De nouvelles disciplines scientifiques telles que la sociobiologie et l’écologie comportementale, et surtout  les théories néo darwiniennes de la culture ont cherché à remettre en cause cette conception du déterminisme biologique. Elles proposent d’appliquer les logiques de l’évolution aux phénomènes sociaux et culturels.

Au nombre de ces différentes théories proposées, celle du biologiste anglais Richard DAWKINS basée sur le concept du  “ mème ’’ se distingue par sa cohérence et sa pertinence  et mérite qu’on s’y appesantisse à cause de l’intérêt potentiel qu’il offre dans le cas du sous développement de l’Afrique.

 

La théorie du mème

La théorie de l’évolution des êtres vivants par la sélection naturelle, telle que conçue par DARWIN  postule que  Si les êtres vivants varient, et si, à un moment donné, certaines  variations présentent un avantage sélectif quelconque par rapport aux autres caractères en conférant un avantage sélectif, c’est-à-dire, une capacité à survivre ou à mieux vivre à ceux qui les possèdent, et si  ces variations sont transmises aux générations suivantes, alors ces variations seront plus abondantes dans la population, générations après générations, et de façon inexorables, les membres des générations successives seront de plus en plus adaptés aux conditions du milieu ou a lieu la sélection et par conséquent auraient, d’une manière ou d’une autre, évolués par rapport à leurs ascendants. Selon Darwin, cette inexorable évolution par voie de sélection naturelle, se produit toujours et inévitablement, si ces trois conditions : variation, hérédité et sélection sont réunies et par conséquent,  la roue de l’évolution n’est pas mue par un malin génie ou quelque plan divin, mais par une simple logique mathématique qui se joue aux grés des conditions du milieu. L’idée éminemment transcendante de Darwin réside donc dans cette conception de l’évolution comme un processus de descendance avec modifications ou en termes plus technique, de réplication avec mutation.

Dans son livre : « le gène égoïste » publié en 1976,  Richard DAWKINS, a revisité la théorie de Darwin en vulgarisant l’idée, de plus en plus admise au sein de la communauté scientifique, selon laquelle, bien que la sélection naturelle se concrétise au niveau de l’individu ou du groupe, en réalité, elle ne se réalise ni au profit des individus, ni des espèces ou des groupes, mais uniquement au profit des gènes. C’est, en effet, le caractère gouverné par le gène qui est matériellement copié et transmis de génération en génération. Les individus porteurs de ces gènes ne sont rien d’autre que des hôtes ou des machines obligés de faire vivre le gène parasite pour assurer leur propre survie. En cela, les gènes sont,  selon l’expression de DAWKINS,  « égoïstes ». Le gène qui est le modèle copié ou le patron est le « réplicateur » et c’est la compétition entre  réplicateurs  qui induit l’évolution des êtres vivants.

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Richard Dawkins à Cooper Union à New York, septembre 2010

En identifiant le gène comme réplicateur et non l’individu tout entier, DAWKINS, donne une nouvelle dimension à la théorie darwinienne en la rendant apte à répondre aux questions auxquelles elle ne donnait pas une réponse satisfaisante dans sa forme originale par rapport aux évolutions des cultures humaines.  En effet, en explorant les cultures humaines, dans le cadre du Darwinisme Universel, qui est un courant de pensées qui exploite la théorie de Darwin pour expliquer les évolutions culturelles, Dawkins découvrit qu’il existe dans le monde vivant, dans l’espèce humaine, en particulier, un autre réplicateur qu’il a baptisé  « mème » par dérivation du grec mimesis signifiant imitation et en jouant sur les deux mots : gène et même avec le sens de « ce qui est imité ». Selon DAWKINS, la transmission culturelle d’un individu à l’autre  passe par un support original : le “mème’’, qui est un homologue du gène de l’hérédité. Le dictionnaire Oxford, qui compte parmi les premières institutions à valider ce mot, définit le mème comme un élément d’une culture pouvant être transmis par des moyens non génétiques, en particulier par l’imitation. Les  mèmes sont donc, des unités, supports de l’information sociale qui se transmettent par imitation.

Dans cette perspective, la transmission d’information par les gènes  des parents aux enfants n’est plus la seule voie héréditaire reconnue. L’héritabilité ou l’hérédité des différences prônée par le chercheur français E. DANCHIN englobe l’hérédité génétique et l’apprentissage qui sont les deux principales voies par lesquelles les différences des parents sont transmises aux enfants. Sur le plan social, c’est, essentiellement,  par l’apprentissage que les différences des parents sont transmises aux enfants. Par exemple, la marche et le langage, qui sont deux qualités spécifiquement humaines, s’acquièrent, tous deux, par apprentissage sur la base de l’imitation. Autrement dit, on apprend à marcher, et à parler par imitation, on devient donc, véritablement, Homme par apprentissage. Le savoir vivre et la grande majorité des savoirs faire chez l’homme s’acquièrent par apprentissage. Ce sont ces  considérations  qui ont inspiré à  DAWKINS  sa théorie originale basée sur le concept du  mème.

Concrètement, un mème  est une unité d’information transmissible : une idée, l’idée de Dieu par exemple, une recette de cuisine, une chanson, une opinion, un théorème mathématique,  une habitude, une technique, un mode, un comportement,  une ritournelle, ou une phrase toute faite, qui se copient d’un cerveau vers d’autres cerveaux selon des processus évolutionnaires, notamment l’imitation et dont quelques exemples  parmi les plus répandus sont décrits ci-dessous :

 Quelques exemples de mèmes parmi les plus courants :

  • la chanson Happy Birthday to You  est un des mèmes les plus performants de tous. Il est présent   dans presque tous les faits culturels de fête d’anniversaire
  • la technologie contient de nombreux mèmes qui sont liés à son évolution (voiture…) ; la     technologie démontre clairement le mécanisme de mutation permettant à des améliorations    d’apparaître et de se répandre.
  • les images pouvant être associées à des épisodes de l’histoire,
  • les images associées à des représentations du monde,
  • musiques, idées ou pensées que l’on ne peut chasser de son esprit
  • blagues, du moins celles qui sont communément considérées drôles
  • proverbes, dictons et aphorisme  les poèmes épiques étaient très importants pour conserver l’histoire orale
  • religions et croyances
  • traditions et théories diverses

Mais, attention, toutes les idées ne sont pas des mèmes. Pour qu’une idée devienne un mème, il faut qu’elle soit copiée par une personne de chez une tierce. Tout ce que nous apprenons en copiant sur les autres sont des mèmes : les langues parlées, les chansons, les coutumes et traditions, les modes vestimentaires ou culinaire etc. sont autant de mèmes réels ou imaginaires qui meublent nos vies.  De même, sur le  continent africain, on peut identifier quelques mèmes spécifiquement africain qui ont pris corps, se répliquent sous nos yeux et marquent, chacun à sa manière, l’évolution, voire le développement du continent.

Quelques mèmes spécifiquement africains parmi les plus courants identifiés par moi

  • Le premier mème facilement identifiable  est l’idée de la conférence nationale. Organisée en Afrique pour la première fois au Bénin en février 1990, ce forum politique était originale et  a séduit plus d’un sur le continent et. Il sera copié par un grand nombre de pays. Dès lors, cette idée originale est devenue un mème copié par un grand nombre de pays.
  •   Un autre  mème qui fait consensus sur le continent est l’usage du viol comme arme de guerre       et de domination au cours des conflits armés. La première fois que cette pratique a été évoquée dans un conflit armé des temps modernes en Afrique, c’était au cours de la guerre civile, de sierra-Leone entre 1991 et 2001. Mais chemin faisant, cette barbarie sera rééditée au Liberia, au Rwanda,  en Centrafrique, en  RDC, en Guinée, en Côte d’Ivoire et au Mali en 2012. Ce qui n’était qu’une folie ou une lubie passagère est devenu, au fil du temps, une mentalité, un mème qui malgré les récriminations et menaces de tous genre, se réplique allègrement sur le continent.

A l’instar de ces deux mèmes, une foule d’autres circulent de manière prépondérante sur le continent au nombre desquels on peut citer :

  • La confiscation du pouvoir,
  • Les coups d’Etat,
  • Les fraudes électorales et les contestations électorales,
  • l’émigration clandestine des jeunes en direction de l’Europe ou des pays africains,
  • les affinités ou la préférence ethnique ou régionale
  • Les funérailles  dispendieuses, etc.

Suivant ces exemples, chacun peut identifier une foule de mèmes qui circulent dans son environnement. La mémétique ou la transmission de l’information par les mèmes joue donc au plan social, une fonction analogue à celle que joue la génétique au niveau des individus.

Les mèmes sont donc des unités informationnelles qui ont trois propriétés :

– La capacité à se reproduire, à se répliquer, à se multiplier.

– La copie est fidèle

– Le processus de réplication est évolutif

Pour Dawkins, la culture de chaque groupe humain peut être décrite comme un ensemble  de mèmes. Les mèmes se transmettent de cerveau à cerveaux en se répliquant, comme les gènes, au cours de la reproduction. La réplication s’effectue ici, principalement, par imitation, au sens large, d’autrui, les bons réplicateurs culturels, tels de belles accroches publicitaires, conquièrent ainsi les populations humaines et deviennent la mode du moment. Les mèmes se transmettent donc d’un cerveau à l’autre comme les microbes se transmettent d’un individu à l’autre dans un processus épidémiologique.

Mais, comme dans tout processus de copie, ajoute R. Dawkins, Le processus d’imitation ne se réalise pas toujours à la perfection. Tout Comme pour les gènes, au cours du processus de réplication génétique, dans le processus de copie du mèmes, il y a aussi des ratés avec production de copie entachée d’erreurs. Ces modifications de parcours, volontaires ou involontaires, représentent les répliques mutantes ou mutations du mème. L’innovation sociale représente donc une mutation d’une idée préexistante. C’est un saut qualitatif réalisé  à partir d’une idée ancienne qui a muté et qui est retenu par la sélection mémétique à cause de la meilleur ou nouvelle fonctionnalité qu’elle offre. La nouvelle idée crée un comportement nouveau qui devient un nouveau mème dès lors qu’elle est copiée et entre en concurrence avec  les anciens pour se fixer dans la mémoire des hommes chez qui il entraîne une évolution mémétique.

Y a-t-il un tri sélectif ou raisonnable dans la copie du mème ? L’homme étant un animal raisonnable, on devrait s’attendre à ce que la copie du mème, de cerveau en cerveau, se fasse sur les bases de vérité, d’utilité ou de bonté. Pourtant, de nombreux mèmes prospèrent autour de nous, tout étant faux, futile ou dangereux. Le fait est que tout comme l’évolution génétique, l’évolution mémétique ne se réalise, ni dans l’intérêt des individus qui portent les mèmes, ni dans celui de l’espèce humaine à laquelle ils appartiennent, mais uniquement dans l’intérêt exclusif du mème qui ne prospère que par le nombre grandissant de copie de lui-même qui se réalise. Dès que l’opportunité s’offre à lui, le mème se fait copier, sans regarder au préjudice probable pour le porteur. De ce point de vue, il est, comme le gène, égoïste, selon l’expression de DAWKINS. Ainsi, malgré  tous les horreurs de l’émigration clandestine  documentés et relayés par tous les médias, les candidats à l’émigration ne se découragent pas et le mèmes de l’émigration  se replique inexorablement au dépends même de la vie de ceux qui le reproduisent comme on peut le constater à travers les drames de Lampedusa et de Malte dans l’actualité récente du continent.

En effet,  malgré les risques, les écueils et les dangers des voies de l’émigration connu de  tous les candidats à l’émigration, malgré le drame affreux survenu le 03 Octobre 2013 où une embarcation chargée de 500 réfugiés majoritairement érythréens a chaviré près de l’île italienne de Lampedusa et ou seuls 155 migrants ont survécu, les autres étant morts ou disparu dans la mer, le 11 Octobre 2013, un autre bateau chargé de 230 migrants originaire de la  Corne de l’Afrique a connu le même sort près de Malte. Seuls 143 migrants ont été sauvés et conduits à La Valette. Je reste, pour ma part, convaincu qu’ils sont encore très nombreux les candidats à l’émigration sur le continent qui, les jours à venir, prêteront  leur corps à un mème égoïste qui se multipliera à leurs dépends.

 

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Les cercueils des victimes du naufrage dans une hangar de l’aéroport de Lampedusa, le 5 octobre 2013. Photo : AFP

Cet exemple rend compte, à merveille, du pouvoir inimaginable des mèmes sur nos vies et donne une idée des efforts à fournir pour déprogrammer l’influence des mèmes négatifs dans une société. Le mème et l’individu qui le porte se développent, chacun pour son propre compte, le mème grossissant du nombre de copies de lui-même qu’il arrive à faire.

De leurs capacités, plus ou moins grande, à se faire copier, indépendamment, de leur nature, conforme ou non aux valeurs admises, on distingue des mèmes, statistiquement, dominants qui, comme le miel, accroche tout ce qui bouge, contraignant la majorité à les copier et des mèmes récessifs qui ont parfois tout bon, mais accroche très faiblement.

A la suite de Dawkins, le concept du mèmes a été développé par Susan Blackmore, Daniel Denett et quelques autres. Dans son œuvre “La théorie des mèmes’’ publié en 1999, Suzan Blackmore théorise sur des phénomènes sociaux qui sont des regroupements de mèmes qui s’associent  formant un complexe co-adapté de mèmes ou méméplexes pour optimiser leurs chances de réplication. Les religions, les entreprises, les partis politiques sont quelques exemples de méméplexes identifiés par elle. Le méméplexe de la religion formé par l’association du mème idée de Dieu miséricordieux et celui du feu de l’enfer qui se tiennent et se renforcent mutuellement et ont particulièrement le vent en poupe.

Ainsi, tout comme les chromosomes, sur lesquels sont localisés les gènes, sont le support de notre patrimoine biologique, le cerveau humain, base de données des mèmes  est le support de notre patrimoine culturel.  Le mème est comme un programme intelligible qui prend naissance dans un coin du cerveau et se noie dans le programme de vie de l’homme et qu’il devient difficile d’extirper et qui doit sa survie à sa capacité à se faire copier, à émerger de la sélection mémétique naturelle dans laquelle le torrent de l’évolution l’entraîne. Ainsi l’évolution se réalise par une spirale suivant laquelle, avec de larges chevauchements, les phases d’imitations et d’innovations s’alternent pour donner à chaque moment une adaptation originale. Nul doute que la pertinence de l’idée du mème, comme tout mème, va se propager de cerveau en cerveau et fera unanimité dans le monde scientifique, les années à venir comme c’est déjà le cas avec l’entrée du mot mème dans le dictionnaire Larousse 2014

 

Mèmes,  culture et développement

L’impact des mèmes sur nos vies peut être observée, non seulement, au niveau de l’individu, mais aussi au niveau de la société toute entière. Au niveau de l’individu, les mèmes, en tant que idées impactent nos pensées et nos options personnelles de développement et au niveau social ou communautaire, ils impactent la perception du monde et les courant de pensées élaborées par la communauté pour répondre aux exigences du moment.

Ainsi chaque société hérite des sociétés antérieures, un ensemble d’idées, de comportements et de savoir être qui sont autant de mèmes qui vont marquer l’évolution du  corps social, de la même manière que les gènes marquent la vie individuelle.

La  tradition, comme système de valeurs des civilisations humaines transmises de génération en génération, est  le vecteur de prolifération, par excellence, des mèmes. Les rites, les coutumes, les idées, les comportements se nourrissent et se reproduisent par des mèmes qui se copient  d’un cerveau vers les différents cerveaux de la communauté, de génération en génération, suivants les pressions du moment.

Chaque culture est ainsi formée par des méméplexes,  originalement imbriqués, suivant les pressions de sélection qu’elle a subit au cours du temps. La mémétique permet alors d’expliquer certaines étapes de l’évolution humaine que la sélection naturelle appliquée aux seuls gènes explique mal comme par exemple le langage, l’altruisme, l’empathie, la solidarité, etc.

La théorie  mémétique  offre donc une opportunité  inespérée pour jeter un regard nouveau sur l’évolution des formations sociales, en particulier celle de l’Afrique subsaharienne. L’éclairage mémétique permet de revisiter les faits de société, et d’étudier par une approche pluridisciplinaire, les différentes adaptations socioculturelles  à l’intérieur des communautés, pour montrer que les modes de vie et les façons de percevoir le monde, de penser ou d’agir, conditionnées par les mèmes qui ont eu cours et surtout les pressions de sélection qui les ont soutenues ou non, au cours des âges, ont influencer et, modeler les sociétés humaines, déterminant leur évolution dans un sens ou un autre.

La sélection naturelle, nous l’avons déjà dit, n’a plus, pratiquement, cours dans les sociétés humaines, ou les facteurs économiques et culturels sont prépondérants, mais la sélection mémétique, elle, continue partout et déterminent les transformations sociales. Ceci permet donc, sans verser dans le darwinisme social, de rapprocher l’esprit d’évolution de Darwin à l’évolution culturelle des sociétés humaines en générale, et africaines en particulier. L’évolution, à la lumière de la mémétique, peut alors s’énoncer ainsi :  “Si les sociétés humaines se transforment et que ces transformations conditionnent leur capacités à bien vivre ;  si ces transformations sont soutenues, génération après génération, alors les innovations qui permettent de bien vivre deviendront de plus en plus communes et les sociétés des  générations successives seront développées, d’une manière ou d’une autre, par rapport aux sociétés précédentes’’.

Partant de ce postulat, la stagnation socioéconomique du continent africain indique alors que peu de transformations sociales performantes ont été faites ou soutenues dans le temps, preuve donc que la sélection mémétique inévitable a orienté les mèmes qui dominent dans la société africaine vers ce résultat là, à cause des pressions ressenties ou non ou tout simplement  de l’égoïsme des mèmes évoqué plus haut. Le vécu des peuples influence donc, sensiblement, le cours du développement des peuples. Il importe alors de rechercher les mèmes majeurs qui ont rythmé l’imbrication des différentes adaptations sociales et cultures africaines, pour savoir pourquoi les choses ont tournées dans un sens ou un autre.

La sélection mémétique est donc une clé qui a joué dans l’évolution sociale récente du continent africain, en ce sens que son sous-développement  ne serait que la résultante des différents mèmes qui se sont confrontés et les pressions de sélection  qui se sont exercées, et  qui l’ont conditionné et  modelé au cours du temps pour aboutir à ce qu’il est de nos jours. Le Darwinisme Universel offre l’opportunité de questionner les tares  du continent qui participent de son sous développement, à la lumière de la mémétique, pour identifier les mèmes qui ont piloté cette orientation et comment faire pour les déprogrammer afin que l’Afrique entre de plain pied dans la modernité et la mondialisation.

D’un point de vue mémétique, cerner les fondements du sous-développement de l’Afrique subsaharienne aujourd’hui, en d’autres termes, comprendre le pourquoi du faible niveau de technicité, du faible essor économique, de la mauvaise qualité de vie de la majorité et de la mal gouvernance observés dans tous les pays de l’Afrique au sud du Sahara, revient à identifier et analyser les différents mèmes engendrés au cours du temps et  toutes les pressions de sélection qui ont pu s’exercer, dans tous les domaines, sur ces peuples pour aboutir, dans une compétition mémétique inévitable, aux cultures, aux systèmes de valeurs et aux modèles socio-économiques actuels, visiblement non en phase avec le développement tel que perçu de nos jours.

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