21 avril 2014

Dis papa, c’est quoi un président fantôme ?

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Il était 2o heures ce vendredi 18 avril 2014, j’étais à table en train de manger mon repas plus préoccupé par les idées qui trottent dans ma tête que par l’ambiance de conversation des enfants et des images qui défilent à la télé.

Soudain, mon attention et celle de mon garçon aîné furent au même moment attirées par l’annonce des résultats de l’élection présidentielle en Algérie.

–   Les résultats de sont tombés vendredi vers 17 h 30. Abdelaziz Bouteflika qui briguait un quatrième mandat à l’âge de 77 ans, a été réélu avec 81, 53 % des voix, annonça la voix monocorde de la journaliste. Son grand rival, Ali Benflis, est crédité de 12 % des suffrages et le taux de participation était quant à lui relativement faible : 51,7 %, contre 74 % lors de la dernière présidentielle en 2009 a précisé la journaliste.

Mon aîné qui guettait ma réaction s’est aussitôt mis à rire.

–       Papa, ça fait rire non ? m’a-t-il demandé

–       Non, moi ça me fait plutôt pleurer, lui ai-je répondu

–       Parce que c’est un président fantôme non ? ajouta-t-il.

–       Oui ! Un président fantôme hélas ! ai-je répondu.

C’est à ce moment que mon benjamin (Oloufêmi, 12 ans) plus intéressé par les bandes dessinées que par les infos politiques abandonne son téléphone et m’interpelle.

–         Dis Papa, c’est quoi un président fantôme ?

La question était si pertinente, mais si inattendue que je ne sus quoi répondre.

–       Papa réponds, c’est quoi un président fantôme ? insista-t-il .

–      C’est un président qui est sur le répondeur.

–       Et c’est quoi un président qui est sur le répondeur ?

–       C’est un président que plus personne ne voit. Quand le peuple l’appelle, c’est sur son répondeur qu’on tombe.

–      Ça veut dire que personne ne l’a vu avant qu’il ne gagne ?

–       C’est un peu ça, acquiesçai-je ?

–       Donc il n’a pas fait campagne insiste-t-il

–       Non. Ce sont ses amis qui ont fait la campagne pour lui

–       Ah bon ! mais, pourquoi papa ? Et lui-même, il est où ?

–       Il est vieux et malade.

–       Vieux et malade… ! Mais c’est le président de quel pays d’abord ?

–       De l’Algérie. Tu connais où est l’Algérie ?

–       Euh, non ! avoua-t-il. C’est en Afrique non ?

–       Oui c’est en Afrique.

Il fit mine d’être satisfait de mes réponses ou peut-être, de ses propres questions, s’éloigne dans sa chambre, puis revient à la charge quelques instants après.

–       Pourquoi l’Algérie ne fait pas comme le Bénin ou la Constitution dit que les candidats à la présidence doivent remplir certaines conditions, être en bonne santé par exemple ?

–       Ces conditions existent dans tous les pays, donc en Algérie aussi.

–       Mais vous dites que le président élu est malade, donc la Commission médicale et la Cour constitutionnelle n’ont pas fait leur travail ? hein non papa ?

–       La question étant trop tendancieuse, j’hésitais à répondre. Mais il ajouta

–       Ou bien il a fait les faux papiers pour dire qu’il est en bonne santé ?

–       Je n’en sais rien petit, je constate comme toi, comme tout le monde.

–       Mais et les Algériens, pourquoi ils n’ont pas réagi contre sa candidature.

–       Ils ont réagi en votant pour à plus de 80 % mon petit. C’est le candidat le plus stable, le plus fiable, l’homme de la situation, l’homme fort du pays.

–       Comment? Celui qui est vieux et malade, c’est lui l’homme fort ?

–       Bon ! je crois que tu sais maintenant ce que c’est qu’un président fantôme, laisse- moi finir mon dîner, décrétai-je pour mettre fin à cette conversation de plus en plus philosophique.

Ouf ! Depuis le début de la campagne présidentielle en Algérie, j’étais conscient que la candidature de Bouteflika posait problème, mais j’ignorais que le cas pouvait éprouver le bon sens d’un gamin.

A mon sens les enjeux de l’heure pou l’Algérie sont d’ordre économique et sécuritaire. Le bien-être du peuple et la menace islamiste. Pour atteindre ces deux objectifs, il faut un leadership doté de clairvoyance politique et du savoir-faire économique capable d’enlever l’adhésion de ses concitoyens à sa vision sur les grands enjeux de l’heure. La présidentielle représentait donc pour le pays une opportunité pour sélectionner ce leader.

Le hic est que le candidat sélectionné par le scrutin du 17 avril passé laisse plutôt songeurs les observateurs extérieurs. Bouteflika, le candidat élu, est vieux et très malade. Mais alors de deux choses l’une. Où le peuple qui l’a élu à 81 % doit être encore plus malade que lui ou une main invisible est dans l’ombre et trompe tout le monde y compris Bouteflika lui-même.

Quoi qu’il en soit, cette élection pose plus de questions qu’elle n’apporte de solution et pour ma part, je note deux conséquences négatives qui découlent de ce scrutin.

La première est que le peuple algérien sait que son président est vieux et malade. Il est donc conscient qu’il  ne gouvernera que par procuration. La réalité du pouvoir sera donc aux mains de personnes qu’il n’a pas élues et peut-être même qu’il n’a pas l’honneur de connaître. Ces personnes auront tous les pouvoirs sans assumer aucune responsabilité.

La seconde est que si en Algérie un candidat vieux et malade parvient à rempiler démocratiquement pour une quatrième fois, la tentation pour des personnes plus jeunes et plus ingambes de rempiler démocratiquement une troisième fois dans leur pays deviendra de plus en plus grande en Afrique. Les différents états-majors vont redoubler d’ardeur sur le continent pour trouver la recette magique pour bluffer le peuple.

Pour conclure,  je ne peux que rappeler ici cette citation d’Abraham Lincoln : « On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps. »

 

 

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Commentaires

DEBELLAHI
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Avec cette citation de Lincoln,tu nous a rassuré qu'il existe encore un espoir que nos peuples se détrompent un jour! C'est la génération de ton fils qui s'indigne de la probabilité de falsification de certificats médicaux,se préoccupe aussi de l'incompétence ou/et la compromission des commissions électorale et constitutionnelle, qui pourra nous fournir un peule qu'on ne peut tromper entièrement et indéfiniment.

AGBADJE Adébayo Babatoundé Charles A. Q.
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In'challah, les générations à venir seront meilleures à la notre pour le salut du continent.
Agréable journée à toi.

@Andriamihaj
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Haha la commission médicale n'a pas fait son travail :D

AGBADJE Adébayo Babatoundé Charles A. Q.
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Apparemment. merci pour le sourire.