Présidentielles 2016 au Bénin: Lionel Zinsou, une candidature hors du commun

6 décembre 2015

Présidentielles 2016 au Bénin: Lionel Zinsou, une candidature hors du commun

Lionel Zinsou 2

Depuis sa prise de pouvoir en avril 2006, le président Boni Yayi s’est signalé par une prédilection à repérer et à coopter les béninois de la diaspora dans ses gouvernements successifs. Mme Houéto Collette, Messieurs  Pascal Iréné Koupaki, Kessyle Tchala, Victor Topkanou, Soulemane Lawani,  Lionel Agbo, Antonin Dossou et bien d’autres encore ont été, chacun en son temps, ainsi coopté par le président Boni Yayi. Lionel  Zinsou, franco-béninois, premier ministre de l’actuel gouvernement du président Boni Yayi n’est donc que le dernier des mohicans de l’aventure.

Toutefois,  quand on connait l’empressement avec laquelle Boni Yayi coopte les éminences de la diaspora quand il le juge nécessaire et la désinvolture avec laquelle il les vire quand il n’en a plus besoin comme ce fut le cas de tous les précités, le choix de Lionel Zinsou pour être le candidat unique des FCBE (sa famille politique) pour les élections de février 2016, loin de surprendre, doit conduire à rechercher ce que cache ce choix. Quel est donc l’enjeu réel de la candidature de Lionel Zinsou ?

D’abord, tout le monde sait et Lionel Zinsou aussi, que le vrai choix de Yayi Boni, son chouchou pour lui succéder,  c’est Komi Kountché,  allez  y savoir pourquoi. D’autre part, la candidature de Patrice Talon, l’ami intime devenu ennemi intime du chef de l’Etat, est annoncée et ce n’est un secret pour personne que Boni Yayi ne souhaiterait pas que Patrice Talon lui succéda au palais de la Marina.  Komi Kountché n’ayant pas encore l’âge requis pour être candidat, le choix de Lionel Zinsou par Boni Yayi pour être le candidat unique des FCBE peut donc s’analyser comme un choix par défaut et un choix stratégique pour faire le poids contre Patrice Talon. Et pour ma part, plus donc que le choix, c’est son acceptation par Lionel Zinsou qui pose problème.

Tomber comme un cheveu dans la soupe FCBE par le biais d’un remaniement ministériel en juin 2015, à vrai dire, Lionel Zinsou n’est pas un militant FCBE. On ne l’a jamais vu militer aux cotés  des FCBE et encore moins, participer à aucune bataille démocratique du peuple béninois. Mieux, les critères retenus dans l’appel à la candidature pour l’investiture des FCBE lancés par son coordinateur, exigent entre autre, l’appartenance du candidat au FCBE, son militantisme de sa capacité de mobilisation et l’exigence d’un mandat électif  ou d’un électorat confirmé, des critères qui, chacun, élimine Lionel zinsou de la course à l’investiture.

Pourtant, le secret des délibérations a porté son choix sur Lionel Zinsou, désormais appelé à porter l’étendard  FCBE aux présidentielles prochaines. Pourquoi alors présenter aux militants les critères à remplir quand on sait qu’ils ne seront pas pris en compte. Qui trompe qui et pourquoi ?

Mais le véritable hic de l’affaire c’est Lionel Zinsou lui-même. Béninois bon teint bon genre, économiste et banquier de formation, il est fortement imprégné de la culture et des usages de la France ou il a passé le clair de sa vie. C’est donc un homme moderne, un démocrate convaincu, un homme d’affaire avisé et un citoyen soucieux du devoir d’équité et du respect des normes sociales et c’est bien là que le bât blesse.

Comment un démocrate convaincu accepte-t-il de remporter l’investiture d’une alliance politique dont il est conscient qu’il ne remplit pas les critères prédéfinis pour les primaires?

Comment une personne proche des milieux politiques occidentaux, peut croire qu’un président démocrate en fin de règne conserve suffisamment d’influence pour imposer son successeur à sa famille politique?

Comment un homme avec  une éducation rationnelle accepte de s’investir dans un projet aussi irrationnel que le suffrage populaire, à moins, sait-on jamais, d’avoir reçu des assurances qu’il pourra gagner l’élection de la même manière qu’il a gagné l’investiture?

Quoi qu’on dise, cette candidature était improbable il y a huit mois, aujourd’hui elle est certaine. Pour un enjeu aussi considérable, il apparaît difficile de dire qu’elle procède d’une aspiration profonde de l’homme Lionel Zinsou, d’un appel ou d’une vocation. Elle apparaît plus, procéder de la volonté de Boni Yayi à imposer son candidat à sa famille politique et le président qu’il veut au peuple béninois.  De ce point de vue, la candidature de Lionel Zinsou serait une candidature de mission. Une mission, à mon sens, périlleuse à tous les égards.

D’abord vis-à-vis des FCBE, il apparaît comme le général d’une troupe frustrées mais désabusée qui probablement attend le dernier moment pour se prononcer, de ce coté donc Lionel Zinsou est loin d’être maître de son destin.

Quid de cette candidature si le camp du  sud ou le camp du nord des FCBE, le moment venu, déclare ne plus se reconnaître dans la candidature de Lionel Zinsou ?

De plus il n’est pas exclu que cette candidature ne soit, en réalité, qu’un jeu, un jeu de boni Yayi et des FCBE pour émietter les voix du sud du Bénin pour contrarier Talon et par  là même favoriser leur vrai candidat pour l’heure en embuscade. Les jours à venir clarifieront cet aspect du sujet.

D’autre part, vis-à-vis du peuple béninois, le soutien de Boni Yayi à Lionel Zinsou n’est pas sans péril pour ce dernier. En effet,  les 10 ans de Boni Yayi à la tête du pays ont été entachés de tant et tant de scandales qu’on ne saurait passer sous silence. Il s’agit entre autres de l’affaire des machines agricoles, l’affaire dite de la Cen-Sad, l’affaire ICC Services, l’affaire PVI- ng, l’affaire du Port sec de Tori, l’affaire Sodeco, des concours de recrutement frauduleux dans la fonction publique, un harcèlement des opérateurs économiques nationaux, une lutte folklorique contre la corruption, etc. Tous ces scandales sont encore des plaies béantes dans la société béninoise. Pour que la candidature de Lionel Zinsou soit crédible et acceptable, il faut qu’il livre maintenant au peuple son appréciation personnelle sur ces différents dossiers et ses réactions de citoyen vérifiables au moment où ils se déroulaient et comment il compte les gérer s’il était élu. Autrement, Il serait trop facile pour lui de dire, après coup, qu’il n’était pas dans le pays, qu’il n’est mêlé ni de près ni de loin à tous ces dossiers, qu’il mettra sur pied une commission pour patati patata. Dans un tel contexte, l’histoire va se répéter de façon plus dramatique qu’en 2006, car ce serait encore un autre “intrus“  qui se serait retrouvé démocratiquement au sommet de l’Etat.

Aussi, pour donner du sens à sa candidature, avant de nous exposer son plan pour créer la croissance et le développement, il faut qu’il prouve clairement qu’il  ne vient pas exonérer le président Boni Yayi de ses méfaits, qu’il ne vient pas protéger ses arrières ou plus grave encore à promouvoir les intérêts économiques et stratégiques de la France au Bénin. Les multiples navettes  du président Boni Yayi à  l’Elysée qui ont précédé sa nomination au poste de premier ministre, puis sa candidature aux présidentielles peuvent, en effet,   le laisser supposer. Cette clarification est nécessaire mais,  n’a aucune chance de se faire dans le contexte actuel de sa candidature. Ceci est alors le signe des nombreux non-dits que peut cacher la candidature de Lionel Zinsou.

En effet, il ne fait l’ombre d’aucun doute que Boni Yayi tente d’instrumentaliser Lionel Zinsou, mais c’est un couteau à double tranchants. Si le premier tranchant va servir à faucher les candidats indésirables, Talon et Consorts, l’autre tranchant sera pour censurer, après coup ses dix années de gestion chaotique du pays.

Dans  tous les cas, l’histoire retient  que les trois candidats en pôle position pour les élections de février 2016 : Zinsou, Talon et Adjavon sont tous des hommes d’affaires et personne aujourd’hui ne peut préjuger de ce que  sera la gouvernance de l’un ou l’autre de ces trois hommes. Les béninois adorent acheter les pagnes, mais pour ces élections présidentielles, c’est un pagne emballé qu’ils se préparent à acheter. Après les élections, Il peut y avoir du très bon comme il y avoir du très mauvais. Espérons que les motifs de joie seront plus nombreux que les motifs douloureux dans ce pagne national en cours de filature.

Quoi qu’il en soit, quelque soit l‘étiquette portée par l’un ou l’autre des candidats,  ce sont les béninoises et béninois qui vont voter le 28 février 2016 et leur suffrage s’imposera à tous. Il importe donc  que discernement et transparence électorale soient de mise à tous les niveaux afin qu’entre deux maux, le peuple choisisse le moindre et   que le vainqueur déclaré de la compétition soit véritablement son élu et que vive la démocratie.

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Commentaires

Boubacar Sangaré
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Billet interessant. Mais pour le lecteur aux USA que je suis, je ne sais pas ce que c'est que le FCBE....

AGBADJE Adébayo Babatoundé Charles A. Q.
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Sorry my dear, FCBE c'est Force Cauris Pour un Bénin Emergent, c'est une coalition de parti politique qui soutiennent l'action du président Boni Yayi. Voila une fois encore merci d'être passé par ici.