AGBADJE Adébayo Babatoundé Charles A. Q.

Bénin : Découverte d’un gisement de 87 millions de barils de pétrole ; Yayi Boni sur les pas de Tandja ?

PETROLE BENIN

                                                         info KOACI

 

Ouf ! Ca y est ! Nous y sommes enfin ! Le sol béninois regorge bel et bien du pétrole exploitable et commercialisable. La confirmation en a été donnée au Président de la République le mercredi 23 octobre 2013 par la  Vice-présidente de la Compagnie pétrolière South  Africa  Petroleum (Sapetro), la Senator Daisy Danjuma.

Démarrés en 2009, les travaux d’exploration avaient permis de prouver l’existence effective du pétrole dans les eaux béninoises, avec la présentation en février 2009 d’un échantillon au Chef de l’Etat. L’annonce de ce jour vient boucler la phase d’exploration sur le bloc 1 du bassin sédimentaire côtier de sèmè podji dont les réserves sont estimées à 87 millions de barils et feront l’objet d’une exploitation sur quatorze ans, à raison de 7.500 barils/jour  à compter de la date d’exploitation.

Des recherches se poursuivent pour confirmer un autre puits pétrolier d’une capacité de 100 millions de barils. Ce qui accroîtrait la production du Bénin dans les années à venir.

Incontestablement cette nouvelle promet des retombées positives pour l’ensemble de l’économie béninoise et améliorera le quotidien de tous les béninois. Adieu «  Payo », misère et Zem !

Seulement voila, toute cette information serait totalement réjouissante, si son timing  qui survient à deux ans de la fin du deuxième et dernier mandat du président Yayi Boni  ne rappelle trop le cas Mamadou Tandja du Niger, le voisin du nord du Bénin.

En effet, au Niger, le second et dernier mandat du président Mamadou TANDJA arrivait à son terme en 2009 au moment même ou la firme française Areva redémarrait l’exploitation de l’uranium du site d’Imouraren découvert quelques années plutôt et  qui faisait du pays le deuxième producteur mondial d’uranium. Avec la réévaluation du prix d’uranium sur le marché mondial et une meilleure négociation des dividendes entre Areva et l’Etat nigérien, les caisses du pays vont se remplir  à partir de 2010. Comme on ne change pas une équipe qui gagne, pour le président Tandja, ce n’était pas le moment de lâcher le pouvoir. Promettant la main sur le cœur de ne pas violer la constitution, le  président Tandja décida pourtant l’organisation d’un référendum pour une nouvelle constitution qui proroge son mandat de trois ans à la « demande du peuple » pour achever ses grands ouvres. Malgré la vive campagne des partis politiques, des syndicats, de  la société civile et des associations diverses pour dénoncer le complot et barrer la route à l’imposture, le référendum a été organisé et le OUI  l’a emporté à 92,5%. La suite on la connait.

Quand on pense que l’annonce de la découverte du pétrole béninois arrive en pleine fièvre de révision de la constitution béninoise, la similitude avec le cas Tandja devient quelque peu inquiétant.

Quand enfin on considère que l’une des innovations majeures du projet de révision en cours est la démocratie participative avec l’initiative populaire des lois, l’éventualité qu’après cette révision, des milliers de pétitions « venant du peuple » appelant l’Assemblée à voter une loi pour permettre au président Yayi  Boni d’achever ses grands travaux n’est pas à exclure.

Ces différentes considérations exigent de relativiser l’effet d’annonce considérable de cette information.

Vivement que le sol béninois regorge de pétrole, mais vigilance pour que cette annonce ne cache des desseins inavoués.

Adébayo Babatoundé Charles AGBADJE


Afrique : Modernité africaine ou comment apprendre à vivre libre et digne

La modernité africaine dans tous ses états

Historiquement, l’ouverture de l’Afrique au monde occidental commença timidement au 17 ème  siècle avec les grands voyages maritimes et le commerce triangulaire avant de s’intensifier au 19ème siècle avec la colonisation, puis la décolonisation et se poursuit jusqu’à nos jours. Ainsi, en fonction de la conjoncture politique, l’histoire moderne du continent peut être découpée en trois périodes qui sont : La période pré coloniale, la période coloniale et la période post-coloniale. Tout au long de ces trois périodes, face aux défis de la modernité occidentale, la modernité africaine va se construire par l’incorporation, pêle-mêle, des valeurs venues d’ailleurs, formant des mélanges tantôt harmonieux, tantôt détonants qui suscitent à la fois satisfactions et joie chez les uns, agacements et doutes chez les autres. En pratique, cette modernité s’est invitée sur le continent par le canal des fonctionnaires coloniaux, des missionnaires, des marchands, des aventuriers occidentaux ou orientaux et des coopérations diverses, qui sillonnaient l’Afrique pendant la période coloniale et par la suite par le brassage des cultures réalisé par les contacts, les voyages, les anciens combattants, les migrations et les coopérations diverses et particulièrement les médias: les journaux, les revues, les films et feuilletons (américains, européens et asiatiques). Mais, il y a aussi et surtout le contenu normatif des programmes d’enseignement. L’éducation coloniale avait en effet pour fondement la politique de l’assimilation, qui  elle-même avait pour base philosophique la  notion de la “mission civilisatrice” de la colonisation européenne en Afrique. Grâce à ces différents relais, la modernité va s’inviter sur le continent par l’introduction de nouveaux modes de vie de nouveaux patrons comportementaux qui constituent des variations par rapport aux formes traditionnelles avec lesquelles elles entrent en compétition puis sélectionnées et impriment aux sociétés africaines des transformations tous azimuts.

Sur le plan matériel, les choses bougent indéniablement en Afrique, malgré la sinistrose que reflètent les statistiques. Depuis la rencontre Afrique-Europe, la matérialité du continent s’est, progressivement, modifiée. L’urbanisation s’est accélérée et intensifiée. La ville est l’horizon des aspirations de tous. Avec la mondialisation de l’économie, le commerce s’est internationalisé et la plupart des bien de consommation produits dans les usines européennes, américaine et asiatiques sont plus ou moins disponibles sur le continent ce qui se traduit par un renouvellement permanent des modes de vie.

Mais, la modernité n’est pas que changements d’ordre matériels, elle est aussi et surtout changement d’ordre mental voire comportemental  et justement, c’est à ce niveau que le décalage et les crispations se font ressentir aussi bien dans les villes que dans les campagnes. La modernité est, pour ainsi dire, à la fois désirée et appréhendée par les populations africaines.

Sur le plan des mentalités, on assiste à de grands bouleversements au niveau des idées et des représentations.  Mais globalement, les progrès sur ce plan sont plutôt nuancés à cause des nombreuses contraintes discriminatoires qui relativisent son cours normal. Au nombre de ces contraintes qui font pression de sélection négative, on peut citer : l’obscurantisme, la fidélité à la personne plutôt qu’aux principes, la préférence ethnique, le favoritisme régionale, le clientélisme politique. Elles constituent les causes majeures des dérives de la modernité africaine.

En définitive, l’Afrique est-elle dans la modernité ? Oui, incontestablement, mais avec une grande nuance. Elle n’y est pas de plain-pied ou plus précisément elle n’y est pas à son propre compte, elle y est plutôt par la force des choses. Depuis la rencontre de l’Afrique avec l’Occident, et de sa  confrontation avec la  modernité occidentale qui en a résulté,  l’Afrique a  été, à son corps défendant, irrésistiblement happée par la modernité occidentale et jusqu’à nos jours, elle s’emploie plus à moduler son rythme, qu’à cerner sa quintessence pour tourner la chose à son propre profit. Aussi, Le projet moderne africain n’a jamais été maîtrise par des forces internes au continent. Son origine, son évolution, ses espérances et ses appréhensions  sont jusqu’à nos jours influencés par des forces exogènes qui relativisent sa portée, ce qui explique que le processus demeure à la fois inexorable et chaotique.

 

 

 

Evidemment, il y a plusieurs caractéristiques de la modernité occidentale qui sont mises en œuvre dans différents domaines en Afrique (économie de marché, démocratie parlementaire, culture urbaine etc.), mais leurs fonctionnement est partout sujet à caution comme en témoigne les contre-performances économiques du continent, les nombreuses crispations politiques qu’on observe dans tous les domaines ou encore la gestion chaotique des mégapoles africaines, preuve que les modalités de mise en œuvre de ces systèmes manquent de pertinence partout  sur le continent. De l’est à l’ouest et du nord au sud, en effet, l’Afrique est incohérente à tous les niveaux d’organisation. La vie quotidienne en Afrique  est remplie de paradoxes qui chacun renvoie à une incohérence entre les objectifs affichés et les actions quotidiennes  aussi bien au niveau individuel, national que panafricain qui font apparaître l’Afrique comme un continent qui regarde le présent avec les lunettes du passé.  Pour preuve, malgré les immenses potentialités du continent, la faim est la première cause de mortalité sur le continent. Nous produisons des choses que nous ne consommons pas et dont nous ne maîtrisons pas les prix sur le marché international, les politiques publiques développées répondent rarement aux aspirations des populations et pourtant ce sont toujours les mêmes hommes politiques qui sont plébiscités élections après élections. De plus, malgré les apparences, les différences dans les codes sociaux sont profondes voire contradictoires entres les communautés pourtant voisines ce qui ne facilite pas le vivre ensemble. Toutes ces incohérences qui, à n’en point douter, participent au sous développement de l’Afrique et à son discrédit aux yeux du monde pousse à questionner nos pratiques et le fonctionnement de nos institutions.

Visiblement,  le coté pathétique du projet moderne africain est que très tôt, la problématique de la modernité africaine s’est posée comme un mimétisme plat des valeurs occidentales au lieu d’être perçue comme une rupture avec l’ancien ordre, donc une opportunité de  libération de l’homme noir de toutes les contradictions endogènes et exogènes de son passé pour poser clairement les jalons de sa transition d’une société traditionnelle vers la société nouvelle, contemporaine, moderne.

 

Change-toi et ça changera!

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Thomas Sankara Au sommet d’Addis-Abéba le 29 juillet 1987

«Nous devons accepter de vivre africains, c’est la seule manière de vivre libre et de vivre digne ». Comment concilier cette exhortation du président Thomas SANKARA lancée du haut de la tribune de l’OUA le 29 Juillet 1987 à Adis-Abeba avec le courant inexorable de la modernité. La réponse à cette problématique est simple puisque elle est clarifiée par Sankara lui-même. “La seule manière de vivre africain de nos jours, c’est vivre  libre et digne“. Tout ce qui contribue donc à rendre l’homme africain libre et digne participe à sa modernisation. La question est donc de savoir quelles sont les voies et moyens pour vivre africain et moderne, en d’autres termes: Comment se renouveler  sans se renier ou encore comment renaître sans disparaître.

Rappelons que de nos jours, tous les facteurs socio-économiques qui concourent à l’amélioration de la qualité de vie  des peuples sont sous contrôle culturel ou politique. Les adaptations, bonnes ou mauvaises, aujourd’hui, constitueront la tradition demain pour les générations futures. Chaque peuple africain peut donc, à tout moment, modifier à sa convenance ses déterminants économiques et culturels pour  bâtir la société qu’elle désire et non plus subir la société comme elle est. Les voies et moyens pour y parvenir sont à rechercher dans nos cultures, les valeurs que nous nous donnons, nos façons de concevoir la création de richesse et surtout notre liberté et notre dignité.

Nous ne pouvons pas continuer de pleurer sur le passé en croyant que nos déboires viennent des autres et espérer une quelconque liberté ou dignité.

Vivre africain dans l’entendement de Sankara, c’est  reconnaître que notre sous- développement provient, après tout, de notre déficit de travail, de méthode ou d’organisation à un niveau ou un autre. C’est le travail qui apporte l’autosuffisance alimentaire, c’est le travail qui permet de produire les biens et services. C’est le travail qui transforme le soleil en énergie, c’est le travail qui transforme les mines ou mimerais ou en  matières nobles, etc. Le travail et seulement le travail bien organisé qui apporte liberté et dignité.

Vivre africain dans l’entendement de Sankara, c’est ne plus éluder nos responsabilités au motif que nous sommes pauvres et croire que d’autres les prendront à notre place de façon satisfaisante pour nous. Plaider le manque de moyens pour ne pas investir dans la recherche-développement est une méprise qui coûte et coûtera toujours plus chère que le prix de la recherche.

Vivre africain dans l’entendement de Sankara, c’est  ne plus  continuer d’accepter d’être dans le concert des nations, de simples consommateurs, des marchées d’écoulement des produits industriels du Nord, des pourvoyeurs de devises pour les autres nations et nous étonner d’être pauvres. Il est donc temps pour nous d’apprendre à pêcher le poisson par nous-mêmes que de nous contenter  des fretins glanés ça et là pour espérer émerger un jour.

Vivre africain dans l’entendement de Sankara, c’est  ne plus continuer à demander que la communauté internationale se mobilise pour financer notre développement pendant que l’épargne nationale est consumée par la corruption, les dépenses oiseuses ou les caprices du prince.

Vivre africain dans l’entendement de Sankara, c’est ne plus continuer par faire la production agricole avec les outillages de l’époque de nos arrières grands parents et croire que nous voulons le développement que nous appelons de nos vœux.

Vivre africain dans l’entendement de Sankara, c’est  ne plus faire de la polygamie une valeur et de faire autant d’enfants que nous voulons sans tenir compte du revenu qui est le notre et nous étonner d’être malheureux.

Vivre africain dans l’entendement de Sankara, c’est ne plus accepter qu’un grand nombre de nos enfants soient non scolarisées et vouloir avoir une nation aussi cultivée, aussi forte et ingénieuse que celles des autres continents qui ont ce souci.

Vivre africain dans l’entendement de Sankara, c’est ne plus accepter qu’autour des funérailles d’un homme, la famille mobilise des millions de  francs qui se consument en l’espace de quelques jours dans des dépenses futiles alors que très souvent, le tiers de ce budget n’a pas pu être mobilisé pour soigner le défunt.

Vivre africain dans l’entendement de Sankara, c‘est ne plus accepter  de regarder impuissants nos frères de race, s’embarquer par millier, chaque jour de nos côtes dans des embarcations de fortune, vers un hypothétique bonheur en Occident au péril de leur vie et nous plaindre du peu de respect qui leur est témoigné là-bas. En réalité nous en témoignons si peu, nous même, envers nos frères de race.

Vivre africain dans l’entendement de Sankara, c’est rendre inacceptable l’obscurantisme  l’opacité, le retard, la fraude, la corruption, le tribalisme et bien d’autres tares sociales.

Toutes ces incohérences, ces paradoxes appellent la nécessité et l’urgence  d’un changement en Afrique. Non pas des slogans, des accroches ou des leitmotivs en vogue dans plusieurs pays autour des élections et qui ne sont que des postures politiques ou quelques  velléités de changement, mais de véritables mutations sociales, provoquées par des forces internes capables de faire sauter les blocages de la croissance économique et du bien être social pour redonner aux africains le goût de la liberté et de la dignité.

Adébayo Babatoundé Charles AGBADJE


BENIN : Projet de révision de la constitution : l’arbre qui cache la forêt ?

constitution_du_beninDepuis le début du deuxième et dernier mandat du président Yayi Boni, un vent de révision souffle sur la constitution béninoise et l’idée que cette révision ne soit qu’un jeu pour modifier la constitution pour s’éterniser au pouvoir hante les esprits et soulève un tollé général dans le pays. Toutefois, il reste qu’au delà des innovations certaines proposées par le projet, son agenda et la démarche gouvernementale sont sujet à caution.

La situation au Bénin de nos jours est vraiment pathétique et mérite que tous les fils du pays se mobilisent. Pour ma part, je ne suis ni constitutionnaliste ni juriste, j’aborde donc la question avec mon seul bon sens de citoyen. De quoi s’agit-il ? De la révision de la Constitution  du 11 décembre 1990 en vigueur dans le Pays.

Certes, la constitution est la loi fondamentale d’un Etat qui  définit les droits et les libertés des citoyens ainsi que l’organisation et les séparations du pouvoir politique (législatif, exécutif, judiciaire) en précisant l’articulation et le fonctionnement des différentes institutions qui composent l’Etat. Mais comme  toute œuvre humaine, elle est appelée à s’adapter à l’évolution de la société, la constitution française de 1789 ne postulait –elle pas que « la nation a le droit imprescriptible de changer sa constitution » ? Dans le souci d’adapter les institutions aux besoins et au niveau de développement tant économique social que culturel du pays, Il est tout à fait  normal que les lois qui régissent le peuple soient clarifiées et reformulée. D’ailleurs au Benin comme dans la plupart des démocraties africaines, la constitution elle-même prévoit les conditions de sa révision. Dès lors, la question qui se pose est de savoir si les normes constitutionnelles sont respectées  dans le processus de révision engagé ?

Cette préoccupation,  à mon sens,  appelle des considérations de forme et de fond.

Concernant la forme,  l’article 155 de la loi fondamentale du 11 décembre 1990, dispose : « la révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée par référendum, sauf si le projet ou la proposition en cause a été approuvée à la majorité des quatre cinquièmes des membres composant l’Assemblée nationale ». Au-delà de l’aspect mathématique de la question, pour une question aussi sérieuse que celle de la Loi Fondamentale, l’esprit de la disposition exige un consensus aussi large que possible pour éviter tout antécédent fâcheux  Or la première tentative  de révision de la constitution du 11 décembre 1990 a été évoquée à une session extraordinaire de l’Assemblée Nationale du 19 mars 2012 soit un an après le début du deuxième et dernier mandat du président Yayi Boni.

Pour une œuvre qui va impacter la vie de tous les citoyens de la nation,  le tollé a été général. Curieusement, cet agenda cavalier à été décrié non seulement par les médias, les citoyens, les députés de l’opposition, mais aussi par ceux de la majorité présidentielle et pour finir par le président lui-même.  Même si personne n’a été dupe, le président de l’Assemblé a dû assumer seul la responsabilité de cette méprise. Face à la nation le président a promis une large concertation avant toute reforme constitutionnelle.

Conformément à la promesse présidentielle, citoyens, syndicalistes, activistes de la société civile, responsables politiques, attendaient de voir la forme que prendront la concertation, en aval  quand par décret n°2013-255 du 06 juin 2013  le président de la république, chef de l’Etat, chef du gouvernement, une fois encore, envoie  le projet de loi portant révision de la Constitution du 11 décembre 1990, à l’Assemblée Nationale pour examen et adoption.

Les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, une fois encore le tôlé est général et les avis sont unanimes pour reconnaitre qu’il y a anguille sous roches. Que cache le projet de révision pour que face au grandes préoccupations et demandes populaires de l’heure : l’emploi des jeunes, la révision de la liste électorale permanente, les élections communales et locales de 2012 en souffrance jusque là, la cherté du coût de la vie, la crise énergétique et les délestages intempestifs, c’est seulement la révision de la constitution qui soit la priorité pour le chef de l’Etat à deux ans de la fin de son dernier mandat. Autant dire que dans la forme le projet de révision suscite beaucoup de doute et de suspicion dans l’esprit du béninois moyen et à ce titre aucun crédit, aucune avance ne peut être accordée au gouvernement  qui devra trouver un agenda qui sécurise tout le monde.

Concernant le fond de la question, nous l’avons déjà dit, les constitutions africaines des années 90 ont souvent été adoptées dans l’urgence, et avec le temps un toilettage peut s’imposer. Dans le cas d’espèce, les principales innovations proposées sont :

–   la constitutionnalisation de la Commission électorale nationale

–   la création d’une Cour des comptes par l’autonomisation de l’actuelle chambre des comptes de la Cour suprême.

–   Imprescriptibilité des crimes économiques

–   La promotion de la démocratie participative

 Sur ces innovations, presque tout le monde est d’accord au Bénin, et il ne vient à l’esprit de personnes de contester leur importance. Les méfiances et suspicions à ce projet ne concernent donc pas ces innovations, mais  plutôt son agenda et ses non dits et Dieu sait que les constitutions ont l’art de la langue de bois.

Les dispositions du projet peuvent-elles mener à une deuxième République ? La question taraude tous les esprits et pourtant au jour d’aujourd’hui, bien malin qui a la réponse à cette question. En temps opportun, ce ne seront pas les juristes qui le détermineront,  mais la Cour constitutionnelle qui est une institution politique et dont les délibérations sont sans recours

Ceci étant l’actualité récente du Sénégal montre à suffisance que quand  la constitution béninoise aura été révisée comme le souhaite le chef de l’Etat, est-on dans une nouvelle république ou non, c’est une autre paire de manche qui commence et dont l’issue sera aussi périlleuse sinon plus, que ce fut le cas au Sénégal en 2012.

Il faut le rappeler, une révision constitutionnelle est après un acte politique même si sa mise en œuvre fait intervenir les juristes et à mon sens Il serait naïf de ne voir que l’arbre qui cache la forêt. Les méthodes de sa mise œuvre font penser qu’elle laisse dans l’ombre des desseins inavouables

Pour l’heure le consensus  parlementaire prôné par le bureau de l’Assemblée nationale est réclamé par tous les acteurs de la vie politique et sociale du pays sans qu’on puisse être certains que les un et les autres revendiquent la même chose. Le moins qu’on puisse souhaiter à ce propos est l’organisation d’un véritable débat national ouvert à tous, libre et transparent sur la question si possible avec un modérateur national pour harmoniser les points de vue et dégager le fameux consensus national.  Par ailleurs Les débats surtout publics ont la vertu de prévenir voir de décourager les double jeux et il est à souhaiter que le gouvernement offre cette opportunité au peuple pour dissiper les craintes et faire aboutir son projet

Dans sa quête de ce large consensus, le  24 septembre 2013, la Commission des lois du Parlement béninois a rejeté le projet de réforme constitutionnelle voulue par le président Boni Yayi pour vice de procédure. Nul doute que le gouvernement reprendra la procédure et le projet sera réintroduit dans trois mois, seulement alors, on pourra aviser sur la position des parlementaires

Mais au rythme ou vont les choses, il est fort à craindre qu’au bout du rouleau, le consensus soit plutôt fait sur l’absence de consensus pour engager une révision de la constitution qui sécurise tout le monde. Mais alors pendant plus d’un an, les petites économies des béninois de tout bords vont etre investi par les uns pour défendre le projet de révision de la constitution et les autres pour le critiquer et s’y opposer. Les maigres moyens de l’Etat, au lieu de résoudre les difficultés du peuple servent et serviront à  la promotion de la révision de la constitution quant il est vrai que les ministres et les cadres FCBE, la mouvance présidentielle  sillonnent le pays, non pour sonder le peuple réel, mais pour faire lire les motions d’’adhésion à la révision de la constitution par leurs militants devant  des populations plus intéressées par les sous  promis que par les discours qui sont  délivrés.  Si ces moyens et ce temps pouvaient être investis par les uns et les autres dans la production de bien et service, sans doute que le développement du pays  gagnerait en efficacité.


Le sous développement africain à la lumière du Darwinisme universel

Le sous-développement du continent africain  est sans doute l’une des problématiques qui ont fait le plus couler d’encre ces dernières années , tant de publications, de sommets des chefs d’Etat, de colloques, de  séminaires ou autres formes de rencontres politiques ou  savantes à travers le monde, sont chaque jour consacrés à la question, sans grands succès jusqu’à nos jours.

Et pourtant, il doit bien y avoir un déterminisme et une voie de sortie de cette situation.,  ,une application de la théorie de l’évolution des espèces par la sélection naturelle élaborée par Darwin dans les sciences sociales peut-elle contribuer à la redéfinition de la causalité? Le Darwinisme Universel offre une piste de réflexion cohérente et crédible.

 

 

 

L’évolution selon Darwin

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Très célèbre au XIXe siècle, le naturaliste anglais Charles Darwin a incontestablement marqué le monde de la biologie. En consacrant sa vie à approfondir ses recherches sur l’évolution des espèces vivantes, il a formulé l’hypothèse selon laquelle toutes les espèces vivantes ont évolué au cours du temps à partir d’un seul ou quelques ancêtres communs grâce au processus connu sous le nom de sélection naturelle. Sa théorie est résumée de façon simple dans l’introduction de l’Origine des espèces : « Comme il naît beaucoup plus d’individus de chaque espèce qu’il n’en peut survivre, et que, par conséquent, il se produit souvent une lutte pour la vie, il s’ensuit que tout être, s’il varie, même légèrement, d’une manière qui lui est profitable, dans les conditions complexes et quelquefois variables de la vie, aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi d’une façon naturelle. En raison du principe dominant de l’hérédité, toute variété ainsi choisie aura tendance à se multiplier sous sa forme nouvelle et modifiée. »

Si le concept de sélection naturelle élaboré par Darwin a profondément marqué la pensée moderne, les tentatives d’exporter cette théorie, assez fascinante pour son époque, hors du champ de la biologie ne se sont pas fait attendre surtout que Darwin lui même avait déjà suggéré que les mécanismes concernant l’évolution  des espèces animales qu’il avait découvertes pouvaient également s’appliquer à l’évolution de la culture humaine. C’est  Herbert spencer, savant contemporain de Darwin et tout aussi influent que lui, qui applique le principe de « la survie du plus apte » aux sociétés humaines et formule pour la première fois, le principe du darwinisme social, une théorie qui postule que l’hérédité (les caractères innés) aurait un rôle prépondérant par rapport à l’éducation (les caractères acquis). Cette théorie qui postule la hiérarchisation des races humaines et la disparition des êtres les plus faibles pour laisser la place aux races et aux êtres les mieux armés pour survivre a servi de base scientifique à plusieurs concepts politiques liés à la domination par une élite, d’une masse jugée moins apte au nombre desquels le colonialisme, l’eugénisme, le fascisme et le nazisme

 

Cette première aventure de la sélection naturelle hors du champ de la biologie a séduit un moment la communauté scientifique avant d’être unanimement décriée par tous.  Comme il fallait s’y attendre, cette désillusion  rendit suspect toute les tentatives d’application des idées de Darwin en dehors du champ de la biologie. Ce n’est qu’au début du 20ème siècle que Thorstein Veblen, un économiste américain du début 20ème,le premier, évoqua dans ses travaux que la sélection naturelle a non seulement lieu au niveau génétique mais à une multitude de niveaux, en particulier au niveau des institutions et des habitudes humaines. Vers le milieu du vingtième siècle, Donald T. Campbell, proposa à son tour, sans grand succès, une application du principe de sélection naturelle dans les sciences sociales en tentant d’expliquer le développement des connaissances par ce mécanisme.

Mais, à partir des années 70, il y a une explosion de la pensée appliquée à l’évolution du comportement humain et des adaptations humaines.  De nouvelles disciplines scientifiques telles que la sociobiologie et l’écologie comportementale, et surtout  les théories néo darwiniennes de la culture ont cherché à remettre en cause cette conception du déterminisme biologique. Elles proposent d’appliquer les logiques de l’évolution aux phénomènes sociaux et culturels.

Au nombre de ces différentes théories proposées, celle du biologiste anglais Richard DAWKINS basée sur le concept du  “ mème ’’ se distingue par sa cohérence et sa pertinence  et mérite qu’on s’y appesantisse à cause de l’intérêt potentiel qu’il offre dans le cas du sous développement de l’Afrique.

 

La théorie du mème

La théorie de l’évolution des êtres vivants par la sélection naturelle, telle que conçue par DARWIN  postule que  Si les êtres vivants varient, et si, à un moment donné, certaines  variations présentent un avantage sélectif quelconque par rapport aux autres caractères en conférant un avantage sélectif, c’est-à-dire, une capacité à survivre ou à mieux vivre à ceux qui les possèdent, et si  ces variations sont transmises aux générations suivantes, alors ces variations seront plus abondantes dans la population, générations après générations, et de façon inexorables, les membres des générations successives seront de plus en plus adaptés aux conditions du milieu ou a lieu la sélection et par conséquent auraient, d’une manière ou d’une autre, évolués par rapport à leurs ascendants. Selon Darwin, cette inexorable évolution par voie de sélection naturelle, se produit toujours et inévitablement, si ces trois conditions : variation, hérédité et sélection sont réunies et par conséquent,  la roue de l’évolution n’est pas mue par un malin génie ou quelque plan divin, mais par une simple logique mathématique qui se joue aux grés des conditions du milieu. L’idée éminemment transcendante de Darwin réside donc dans cette conception de l’évolution comme un processus de descendance avec modifications ou en termes plus technique, de réplication avec mutation.

Dans son livre : « le gène égoïste » publié en 1976,  Richard DAWKINS, a revisité la théorie de Darwin en vulgarisant l’idée, de plus en plus admise au sein de la communauté scientifique, selon laquelle, bien que la sélection naturelle se concrétise au niveau de l’individu ou du groupe, en réalité, elle ne se réalise ni au profit des individus, ni des espèces ou des groupes, mais uniquement au profit des gènes. C’est, en effet, le caractère gouverné par le gène qui est matériellement copié et transmis de génération en génération. Les individus porteurs de ces gènes ne sont rien d’autre que des hôtes ou des machines obligés de faire vivre le gène parasite pour assurer leur propre survie. En cela, les gènes sont,  selon l’expression de DAWKINS,  « égoïstes ». Le gène qui est le modèle copié ou le patron est le « réplicateur » et c’est la compétition entre  réplicateurs  qui induit l’évolution des êtres vivants.

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Richard Dawkins à Cooper Union à New York, septembre 2010

En identifiant le gène comme réplicateur et non l’individu tout entier, DAWKINS, donne une nouvelle dimension à la théorie darwinienne en la rendant apte à répondre aux questions auxquelles elle ne donnait pas une réponse satisfaisante dans sa forme originale par rapport aux évolutions des cultures humaines.  En effet, en explorant les cultures humaines, dans le cadre du Darwinisme Universel, qui est un courant de pensées qui exploite la théorie de Darwin pour expliquer les évolutions culturelles, Dawkins découvrit qu’il existe dans le monde vivant, dans l’espèce humaine, en particulier, un autre réplicateur qu’il a baptisé  « mème » par dérivation du grec mimesis signifiant imitation et en jouant sur les deux mots : gène et même avec le sens de « ce qui est imité ». Selon DAWKINS, la transmission culturelle d’un individu à l’autre  passe par un support original : le “mème’’, qui est un homologue du gène de l’hérédité. Le dictionnaire Oxford, qui compte parmi les premières institutions à valider ce mot, définit le mème comme un élément d’une culture pouvant être transmis par des moyens non génétiques, en particulier par l’imitation. Les  mèmes sont donc, des unités, supports de l’information sociale qui se transmettent par imitation.

Dans cette perspective, la transmission d’information par les gènes  des parents aux enfants n’est plus la seule voie héréditaire reconnue. L’héritabilité ou l’hérédité des différences prônée par le chercheur français E. DANCHIN englobe l’hérédité génétique et l’apprentissage qui sont les deux principales voies par lesquelles les différences des parents sont transmises aux enfants. Sur le plan social, c’est, essentiellement,  par l’apprentissage que les différences des parents sont transmises aux enfants. Par exemple, la marche et le langage, qui sont deux qualités spécifiquement humaines, s’acquièrent, tous deux, par apprentissage sur la base de l’imitation. Autrement dit, on apprend à marcher, et à parler par imitation, on devient donc, véritablement, Homme par apprentissage. Le savoir vivre et la grande majorité des savoirs faire chez l’homme s’acquièrent par apprentissage. Ce sont ces  considérations  qui ont inspiré à  DAWKINS  sa théorie originale basée sur le concept du  mème.

Concrètement, un mème  est une unité d’information transmissible : une idée, l’idée de Dieu par exemple, une recette de cuisine, une chanson, une opinion, un théorème mathématique,  une habitude, une technique, un mode, un comportement,  une ritournelle, ou une phrase toute faite, qui se copient d’un cerveau vers d’autres cerveaux selon des processus évolutionnaires, notamment l’imitation et dont quelques exemples  parmi les plus répandus sont décrits ci-dessous :

 Quelques exemples de mèmes parmi les plus courants :

  • la chanson Happy Birthday to You  est un des mèmes les plus performants de tous. Il est présent   dans presque tous les faits culturels de fête d’anniversaire
  • la technologie contient de nombreux mèmes qui sont liés à son évolution (voiture…) ; la     technologie démontre clairement le mécanisme de mutation permettant à des améliorations    d’apparaître et de se répandre.
  • les images pouvant être associées à des épisodes de l’histoire,
  • les images associées à des représentations du monde,
  • musiques, idées ou pensées que l’on ne peut chasser de son esprit
  • blagues, du moins celles qui sont communément considérées drôles
  • proverbes, dictons et aphorisme  les poèmes épiques étaient très importants pour conserver l’histoire orale
  • religions et croyances
  • traditions et théories diverses

Mais, attention, toutes les idées ne sont pas des mèmes. Pour qu’une idée devienne un mème, il faut qu’elle soit copiée par une personne de chez une tierce. Tout ce que nous apprenons en copiant sur les autres sont des mèmes : les langues parlées, les chansons, les coutumes et traditions, les modes vestimentaires ou culinaire etc. sont autant de mèmes réels ou imaginaires qui meublent nos vies.  De même, sur le  continent africain, on peut identifier quelques mèmes spécifiquement africain qui ont pris corps, se répliquent sous nos yeux et marquent, chacun à sa manière, l’évolution, voire le développement du continent.

Quelques mèmes spécifiquement africains parmi les plus courants identifiés par moi

  • Le premier mème facilement identifiable  est l’idée de la conférence nationale. Organisée en Afrique pour la première fois au Bénin en février 1990, ce forum politique était originale et  a séduit plus d’un sur le continent et. Il sera copié par un grand nombre de pays. Dès lors, cette idée originale est devenue un mème copié par un grand nombre de pays.
  •   Un autre  mème qui fait consensus sur le continent est l’usage du viol comme arme de guerre       et de domination au cours des conflits armés. La première fois que cette pratique a été évoquée dans un conflit armé des temps modernes en Afrique, c’était au cours de la guerre civile, de sierra-Leone entre 1991 et 2001. Mais chemin faisant, cette barbarie sera rééditée au Liberia, au Rwanda,  en Centrafrique, en  RDC, en Guinée, en Côte d’Ivoire et au Mali en 2012. Ce qui n’était qu’une folie ou une lubie passagère est devenu, au fil du temps, une mentalité, un mème qui malgré les récriminations et menaces de tous genre, se réplique allègrement sur le continent.

A l’instar de ces deux mèmes, une foule d’autres circulent de manière prépondérante sur le continent au nombre desquels on peut citer :

  • La confiscation du pouvoir,
  • Les coups d’Etat,
  • Les fraudes électorales et les contestations électorales,
  • l’émigration clandestine des jeunes en direction de l’Europe ou des pays africains,
  • les affinités ou la préférence ethnique ou régionale
  • Les funérailles  dispendieuses, etc.

Suivant ces exemples, chacun peut identifier une foule de mèmes qui circulent dans son environnement. La mémétique ou la transmission de l’information par les mèmes joue donc au plan social, une fonction analogue à celle que joue la génétique au niveau des individus.

Les mèmes sont donc des unités informationnelles qui ont trois propriétés :

– La capacité à se reproduire, à se répliquer, à se multiplier.

– La copie est fidèle

– Le processus de réplication est évolutif

Pour Dawkins, la culture de chaque groupe humain peut être décrite comme un ensemble  de mèmes. Les mèmes se transmettent de cerveau à cerveaux en se répliquant, comme les gènes, au cours de la reproduction. La réplication s’effectue ici, principalement, par imitation, au sens large, d’autrui, les bons réplicateurs culturels, tels de belles accroches publicitaires, conquièrent ainsi les populations humaines et deviennent la mode du moment. Les mèmes se transmettent donc d’un cerveau à l’autre comme les microbes se transmettent d’un individu à l’autre dans un processus épidémiologique.

Mais, comme dans tout processus de copie, ajoute R. Dawkins, Le processus d’imitation ne se réalise pas toujours à la perfection. Tout Comme pour les gènes, au cours du processus de réplication génétique, dans le processus de copie du mèmes, il y a aussi des ratés avec production de copie entachée d’erreurs. Ces modifications de parcours, volontaires ou involontaires, représentent les répliques mutantes ou mutations du mème. L’innovation sociale représente donc une mutation d’une idée préexistante. C’est un saut qualitatif réalisé  à partir d’une idée ancienne qui a muté et qui est retenu par la sélection mémétique à cause de la meilleur ou nouvelle fonctionnalité qu’elle offre. La nouvelle idée crée un comportement nouveau qui devient un nouveau mème dès lors qu’elle est copiée et entre en concurrence avec  les anciens pour se fixer dans la mémoire des hommes chez qui il entraîne une évolution mémétique.

Y a-t-il un tri sélectif ou raisonnable dans la copie du mème ? L’homme étant un animal raisonnable, on devrait s’attendre à ce que la copie du mème, de cerveau en cerveau, se fasse sur les bases de vérité, d’utilité ou de bonté. Pourtant, de nombreux mèmes prospèrent autour de nous, tout étant faux, futile ou dangereux. Le fait est que tout comme l’évolution génétique, l’évolution mémétique ne se réalise, ni dans l’intérêt des individus qui portent les mèmes, ni dans celui de l’espèce humaine à laquelle ils appartiennent, mais uniquement dans l’intérêt exclusif du mème qui ne prospère que par le nombre grandissant de copie de lui-même qui se réalise. Dès que l’opportunité s’offre à lui, le mème se fait copier, sans regarder au préjudice probable pour le porteur. De ce point de vue, il est, comme le gène, égoïste, selon l’expression de DAWKINS. Ainsi, malgré  tous les horreurs de l’émigration clandestine  documentés et relayés par tous les médias, les candidats à l’émigration ne se découragent pas et le mèmes de l’émigration  se replique inexorablement au dépends même de la vie de ceux qui le reproduisent comme on peut le constater à travers les drames de Lampedusa et de Malte dans l’actualité récente du continent.

En effet,  malgré les risques, les écueils et les dangers des voies de l’émigration connu de  tous les candidats à l’émigration, malgré le drame affreux survenu le 03 Octobre 2013 où une embarcation chargée de 500 réfugiés majoritairement érythréens a chaviré près de l’île italienne de Lampedusa et ou seuls 155 migrants ont survécu, les autres étant morts ou disparu dans la mer, le 11 Octobre 2013, un autre bateau chargé de 230 migrants originaire de la  Corne de l’Afrique a connu le même sort près de Malte. Seuls 143 migrants ont été sauvés et conduits à La Valette. Je reste, pour ma part, convaincu qu’ils sont encore très nombreux les candidats à l’émigration sur le continent qui, les jours à venir, prêteront  leur corps à un mème égoïste qui se multipliera à leurs dépends.

 

cercueil immigrés

Les cercueils des victimes du naufrage dans une hangar de l’aéroport de Lampedusa, le 5 octobre 2013. Photo : AFP

Cet exemple rend compte, à merveille, du pouvoir inimaginable des mèmes sur nos vies et donne une idée des efforts à fournir pour déprogrammer l’influence des mèmes négatifs dans une société. Le mème et l’individu qui le porte se développent, chacun pour son propre compte, le mème grossissant du nombre de copies de lui-même qu’il arrive à faire.

De leurs capacités, plus ou moins grande, à se faire copier, indépendamment, de leur nature, conforme ou non aux valeurs admises, on distingue des mèmes, statistiquement, dominants qui, comme le miel, accroche tout ce qui bouge, contraignant la majorité à les copier et des mèmes récessifs qui ont parfois tout bon, mais accroche très faiblement.

A la suite de Dawkins, le concept du mèmes a été développé par Susan Blackmore, Daniel Denett et quelques autres. Dans son œuvre “La théorie des mèmes’’ publié en 1999, Suzan Blackmore théorise sur des phénomènes sociaux qui sont des regroupements de mèmes qui s’associent  formant un complexe co-adapté de mèmes ou méméplexes pour optimiser leurs chances de réplication. Les religions, les entreprises, les partis politiques sont quelques exemples de méméplexes identifiés par elle. Le méméplexe de la religion formé par l’association du mème idée de Dieu miséricordieux et celui du feu de l’enfer qui se tiennent et se renforcent mutuellement et ont particulièrement le vent en poupe.

Ainsi, tout comme les chromosomes, sur lesquels sont localisés les gènes, sont le support de notre patrimoine biologique, le cerveau humain, base de données des mèmes  est le support de notre patrimoine culturel.  Le mème est comme un programme intelligible qui prend naissance dans un coin du cerveau et se noie dans le programme de vie de l’homme et qu’il devient difficile d’extirper et qui doit sa survie à sa capacité à se faire copier, à émerger de la sélection mémétique naturelle dans laquelle le torrent de l’évolution l’entraîne. Ainsi l’évolution se réalise par une spirale suivant laquelle, avec de larges chevauchements, les phases d’imitations et d’innovations s’alternent pour donner à chaque moment une adaptation originale. Nul doute que la pertinence de l’idée du mème, comme tout mème, va se propager de cerveau en cerveau et fera unanimité dans le monde scientifique, les années à venir comme c’est déjà le cas avec l’entrée du mot mème dans le dictionnaire Larousse 2014

 

Mèmes,  culture et développement

L’impact des mèmes sur nos vies peut être observée, non seulement, au niveau de l’individu, mais aussi au niveau de la société toute entière. Au niveau de l’individu, les mèmes, en tant que idées impactent nos pensées et nos options personnelles de développement et au niveau social ou communautaire, ils impactent la perception du monde et les courant de pensées élaborées par la communauté pour répondre aux exigences du moment.

Ainsi chaque société hérite des sociétés antérieures, un ensemble d’idées, de comportements et de savoir être qui sont autant de mèmes qui vont marquer l’évolution du  corps social, de la même manière que les gènes marquent la vie individuelle.

La  tradition, comme système de valeurs des civilisations humaines transmises de génération en génération, est  le vecteur de prolifération, par excellence, des mèmes. Les rites, les coutumes, les idées, les comportements se nourrissent et se reproduisent par des mèmes qui se copient  d’un cerveau vers les différents cerveaux de la communauté, de génération en génération, suivants les pressions du moment.

Chaque culture est ainsi formée par des méméplexes,  originalement imbriqués, suivant les pressions de sélection qu’elle a subit au cours du temps. La mémétique permet alors d’expliquer certaines étapes de l’évolution humaine que la sélection naturelle appliquée aux seuls gènes explique mal comme par exemple le langage, l’altruisme, l’empathie, la solidarité, etc.

La théorie  mémétique  offre donc une opportunité  inespérée pour jeter un regard nouveau sur l’évolution des formations sociales, en particulier celle de l’Afrique subsaharienne. L’éclairage mémétique permet de revisiter les faits de société, et d’étudier par une approche pluridisciplinaire, les différentes adaptations socioculturelles  à l’intérieur des communautés, pour montrer que les modes de vie et les façons de percevoir le monde, de penser ou d’agir, conditionnées par les mèmes qui ont eu cours et surtout les pressions de sélection qui les ont soutenues ou non, au cours des âges, ont influencer et, modeler les sociétés humaines, déterminant leur évolution dans un sens ou un autre.

La sélection naturelle, nous l’avons déjà dit, n’a plus, pratiquement, cours dans les sociétés humaines, ou les facteurs économiques et culturels sont prépondérants, mais la sélection mémétique, elle, continue partout et déterminent les transformations sociales. Ceci permet donc, sans verser dans le darwinisme social, de rapprocher l’esprit d’évolution de Darwin à l’évolution culturelle des sociétés humaines en générale, et africaines en particulier. L’évolution, à la lumière de la mémétique, peut alors s’énoncer ainsi :  “Si les sociétés humaines se transforment et que ces transformations conditionnent leur capacités à bien vivre ;  si ces transformations sont soutenues, génération après génération, alors les innovations qui permettent de bien vivre deviendront de plus en plus communes et les sociétés des  générations successives seront développées, d’une manière ou d’une autre, par rapport aux sociétés précédentes’’.

Partant de ce postulat, la stagnation socioéconomique du continent africain indique alors que peu de transformations sociales performantes ont été faites ou soutenues dans le temps, preuve donc que la sélection mémétique inévitable a orienté les mèmes qui dominent dans la société africaine vers ce résultat là, à cause des pressions ressenties ou non ou tout simplement  de l’égoïsme des mèmes évoqué plus haut. Le vécu des peuples influence donc, sensiblement, le cours du développement des peuples. Il importe alors de rechercher les mèmes majeurs qui ont rythmé l’imbrication des différentes adaptations sociales et cultures africaines, pour savoir pourquoi les choses ont tournées dans un sens ou un autre.

La sélection mémétique est donc une clé qui a joué dans l’évolution sociale récente du continent africain, en ce sens que son sous-développement  ne serait que la résultante des différents mèmes qui se sont confrontés et les pressions de sélection  qui se sont exercées, et  qui l’ont conditionné et  modelé au cours du temps pour aboutir à ce qu’il est de nos jours. Le Darwinisme Universel offre l’opportunité de questionner les tares  du continent qui participent de son sous développement, à la lumière de la mémétique, pour identifier les mèmes qui ont piloté cette orientation et comment faire pour les déprogrammer afin que l’Afrique entre de plain pied dans la modernité et la mondialisation.

D’un point de vue mémétique, cerner les fondements du sous-développement de l’Afrique subsaharienne aujourd’hui, en d’autres termes, comprendre le pourquoi du faible niveau de technicité, du faible essor économique, de la mauvaise qualité de vie de la majorité et de la mal gouvernance observés dans tous les pays de l’Afrique au sud du Sahara, revient à identifier et analyser les différents mèmes engendrés au cours du temps et  toutes les pressions de sélection qui ont pu s’exercer, dans tous les domaines, sur ces peuples pour aboutir, dans une compétition mémétique inévitable, aux cultures, aux systèmes de valeurs et aux modèles socio-économiques actuels, visiblement non en phase avec le développement tel que perçu de nos jours.