AGBADJE Adébayo Babatoundé Charles A. Q.

Au Bénin, chronique d’un requiem annoncé

yayi boni chronique d'un requiem annoncé

Le docteur président Yayi Boni, l’homme fort des Béninois,

N’est plus, depuis quelque temps, en joie.

Après neuf ans de règne, il subit les affres du déclin… de la fin.

Il pleure sa puissance et son emprise des temps passés,

Le temps des éloges, louanges et glorifications,

Yayi « l’homme du changement », « l’homme de la refondation »,

Yayi le « dieu », le « messie », le « papa bonheur »,

Yayi « plus rapide que la prière »….

Le temps où ses grâces et sa capacité de nuisance,

Tenaient en respect alliés et opposants.

Mais ce temps, c’était avant.

A présent que la fin du règne approche à pas de géant,

Il est attaqué par ses propres partisans,

Devenus forts par sa faiblesse..

Ô cruel souvenir d’une gloire passée !

Œuvre de tant d’années en une saison effacées

N’a-t-il donc tant fait que pour cette infamie ?

Le requiem de sa fin est entonné, et par qui ?

Le frère, le charismatique député  Sacca Lafia, a clamé haut et fort,

« Yayi, 10 ans, c’est fini, Yayi est fini ».

Mathurin Nago, président de l’Assemblée et allié inconditionnel, a claqué la porte du palais présidentiel,

Il menace même de faire parler les cadavres si on l’y contraint.

L’honorable Aholou Kèkè, prosélyte du yayisme, devenue renégate, a fait publiquement acte de contrition :

« Nous nous sommes trompés et nous vous avons trompés »…

La saignée est terrible dans les rangs des yayistes et des cauristes

Elus locaux, députés, maires, anciens ministres,

Les uns après les autres, ils désertent le navire présidentiel.

Ils ont soudain retrouvé leur âme de démocrates et  libres-penseurs.

Le malheureux président, regarde le désolant spectacle et fulmine,

« Je suis fini, ils se trompent », martèle-t-il.

Il compte encore sur les quelques fidèles qu’il lui reste.

En voiture, en zem et en hélicoptère,

Il remue terre et ciel, promet monts et merveilles aux Béninois.

Il veut une majorité aux législatives prochaines.

Mais à quelle fin on se demande bien?

Pour surtout poser les garde-fous, atteste le fidèle des fidèles ministres Kassa.

Il attend son destin, au soir des législatives du 26 avril.

Avec une majorité à l’assemblée, il va  reprendre du poil de la bête.

En pareil cas, il ne ferait pas bon d’être à la place des frondeurs.

Sans majorité à l’Assemblée, son vœu tardif de l’appel de Dieu pourra s’exaucer.

Le frère Thomas va rejoindre le frère Melchior dans son refuge,

Ensemble, ils chanteront le requiem de leur gloire passée.


Ode à la femme

La communauté internationale célèbre le 8 mars de chaque année la Journée internationale de la femme, ou Journée internationale pour les droits des femmes. Cette journée officialisée depuis 1977 par les Nations unies est une journée de manifestations et de revendications des droits de la femme.

Cette année 2015, le thème retenu par les Nations Unies pour commémorer l’événement est  « Autonomisation des femmes – Autonomisation de l’humanité : Imaginez ! »

Pour ma part, je dédie à toutes les femmes cette ode d’un auteur inconnu.

 ode à la femme 9

Mais, on le sait aussi, la vie de l’Homme et donc de la femme va de 0 à 77 ans. Je laisse alors le soin aux uns et aux autres d’Imaginer la femme à 70 ans, à 80 ans et pourquoi pas depuis 10 ans…

                                                            Adébayo Charles Agbadje


Le prix du marchandage en Afrique  

marchandage en afrique

 Bientôt les fêtes de Noel et du nouvel an, périodes par excellence de réjouissance, de consommation et  donc de shopping à travers le monde. Mais on le sait aussi, faire les courses en cette période est rarement une sinécure, au regard de la cohue ambiante et de l’embarras de choix. En Afrique, en particulier, elle l’est d’autant moins qu’elle se complique par la contrainte du marchandage. En effet, quand il s’agit de faire des achats, les africains ont une prédilection à discuter le prix, à débattre, bref à  marchander.  Mais, au regard de l’énorme perte de temps et d’énergie qu’il occasionne, la question se pose de savoir si le jeu en vaut la chandelle?

Le marchandage est une vieille stratégie commerciale qui sous-tend l’économie et les échanges en Afrique comme en Asie et en Amérique latine. Mais, contrairement aux autres continents, il  est profondément ancré dans les mœurs en Afrique où règnent les valeurs de l’oralité et de l’informel au point de faire partie de la culture du continent. Dans un grand nombre de domaine, le marchandage s’impose presque et bon nombre de vendeurs sont obligés de recourir à ce mode de négoce s’ils veulent écouler leurs produits.

Le fait est que, dans les rues et sur les places de marchés des villes et villages du continent, la majorité des articles mis en vente ne porte aucun prix fixé. Chaque vendeur propose au client un prix qu’il  invite souvent à négocier ou débattre pour obtenir un meilleur marché. En général, les prix proposés sont bien au dessus de la valeur marchande réelle du produit. Au client de débattre ce prix jusqu’à une valeur acceptable pour lui ou à la portée de sa bourse. En conséquence, les Africains, toutes couches sociales confondues, marchandent dans tous les domaines. Des fois, cela peut perturber, mais il  faut se faire une raison. Mieux vaut comprendre le principe pour ne pas être le dindon de la farce.

La logique économique du processus est simple. Le système d’échange étant informel, la marge bénéficiaire du marchand ou du prestataire de service est fluctuante et arbitraire. L’intérêt de ce dernier est qu’elle soit la plus grande que possible. Au contraire du vendeur, l’intérêt de l’acheteur est que cette marge soit la plus  faible que possible. C’est là, tout l’enjeu du marchandage. Le prix de cession d’une marchandise est donc le résultat d’une âpre négociation entre le vendeur et l’acheteur pour arriver à un prix consensuel satisfaisant pour les deux. Dans ce duel qui ne dit pas son nom, le marchand lui connait la qualité de son produit et son prix limite de cession. L’acheteur ou le bénéficiaire du service, quant à lui, connait sa capacité financière pour s’adjuger le produit et doit mettre en jeu sa maîtrise du marché, la qualité du produit présenté et sa verve pour l’acquérir.

Mais, au-delà de sa fonction commerciale, le marchandage a aussi une fonction sociale. C’est aussi un moment d’échange social et de partage entre vendeur et acheteur. C’est le moment pour le vendeur de faire la promotion de son commerce, mais aussi de deviser avec le client. Si les deux personnes se connaissaient déja, ils renouvellent leur lien d’amitié ou de fraternité et s’ils se rencontrent pour la première fois, c’est l’occasion de faire connaissance. Une bonne négociation commence toujours par les salamalecs d’usage, parfois même le thé avant la négociation proprement dite.

Modalité d’échange commercial ancestral, le marchandage a son code et ses règles. Quand vous n’êtes pas d’humeur à palabrer ou n’avez pas assez de temps, vous le faites savoir d’entrée et demandez le dernier prix ou le « last price ». Les marchands, pour la plupart, n’aiment pas cette situation dans laquelle ils comprennent bien  que le jeu revient à quitte ou double. Les uns jouent franc jeu, d’autres, plus ou moins irascibles, vous envoient paître.

Mais pour  le grand groupe qui a un peu de temps et pas beaucoup d’argent, c’est un rituel auquel on sacrifie volontiers pour s’acheter des denrées, des produits manufacturés, un boubou ou un collier. Autant le dire, le marchandage ou “whaxale’’ au Sénégal, “axhi didé’’ au Bénin  ou encore “owo yiyo’’ au Nigeria et au Bénin “Fani féré“ au Mali et en Cote d’Ivoire etc. est tout un art qui se cultive partout en Afrique et particulièrement dans les  pays du Golf de Guinée.

Courte séquence

–          C’est combien ce collier ?

–          C’est 5000f, combien toi tu donnes ?

–          5000 ce collier? Trop cher. Merci.

–          Mais, attends ma sœur, c’est le marché. Dis ton prix.

–          Ok. Je donne 2000f.

–          Hé, ma sœur regarde bien,  c’est un modèle original. C’est « ivoire » vrai,    vrai. Donne 4000 f

–          Je sais que c’est ivoire, mais j’ai 2000f.

–          Ah ma sœur, même moi je n’ai pas gagné ça à ce prix, prend 3800f

–          C’est cher pour moi. Tu ne veux pas me vendre,  je vais voir ailleurs.

–          Mais attends, Fais-moi la recette ma sœur ! J’ai refusé avant toi une offre à   3500f

–          Ah ! Tu vois bien que tu aurais dû me laisser partir!

–          Bon, ma sœur, combien tu as là ?

–          J’ai 2000f

–          Bon! bon!  comme c’est toi, donne 2500F ! c’est à cause de toi oh ! tu sais      que tu es ma parente.

–          J’emballe ?

–          Oui, tu peux emballer.

La poire étant coupé en deux, le consensus se dégage et l’affaire est pliée. Pendant que vous mettez la main à la poche en évitant de montrer la richesse de votre porte feuille, lui emballe le produit tout hélant déjà les potentiels clients qui passent. S’il n’y a pas d’autres clients en vue, la conversation passe au divers, le service après vente.

Conséquence logique de ce système, chaque produit est vendu à un prix souvent différent pour chaque client. En général les écarts sont minimes, mais ils sont parfois considérables. Dans ces conditions, comment un acheteur peut-il s’assurer de faire une bonne affaire ? Un consommateur béninois conseille de débattre le prix jusqu’au moment où le vendeur s’énerve et vous demande d’aller voir ailleurs. On est alors sûr d’avoir touché le montant en dessous duquel le marchand n’accepte plus de propositions. Ajouter à ce montant la marge que vous jugez acceptable et formuler votre dernière proposition. Une véritable guerre des nerfs et un gros gâchis de temps comme on peut le voir.

Quand on considère que la valeur marchande d’un produit peut être converti en temps de travail pour gagner cette somme, en mettant bout à bout le temps perdu par les uns et les autres pour marchander, on réalise aisément que ce que coûtent le marchandage, ce n’est pas simplement du temps, mais de l’argent. Pourquoi ne pas faire simple et initier des reformes pour instaurer dans les marchés, les prix fixés pour chaque produit suivant la mercuriale en vigueur. On éviterait pour tous, une perte de temps, une perte d’énergie et parfois le sentiment d’avoir été lésé, observé chez l’un ou l’autre des acteurs de la transaction.

Certes, ça et là sur le continent, plusieurs Etats essayent de réglementer la chose et imposer l’affichage de prix fixé pour tous les articles manufacturés, mais sans grand succès.  et vraisemblablement ils n’y parviendront pas dans un avenir proche tant le phénomène est enraciné. Eh oui, le poids des siècles de tradition orale n’est pas facile à éliminer, encore que les vendeurs sur les places des marchés sont majoritairement analphabètes.

Naturellement, le phénomène n’impacte pas que les africains, les non africains vivant sur le continent et les touristes étrangers de passage sur le continent aussi sont aussi confrontés à l’épreuve du marchandage avec des fortunes diverses.

Bien sûr, pour les non africains résidant sur le continent, selon qu’on est plus ou moins aisé, il y a moyen de s’approvisionner  préférentiellement dans les grandes surfaces et éviter autant que faire se peut, les circuits de marchandage. Par contre, pour les touristes nullement intéressé par les grandes surfaces,  c’est un comportement nouveau perçu par les uns comme une source de désagrément et par les autres comme une curiosité exotique qui participe au charme du voyage. Quoi qu’il en soit, l’obligation de devoir marchander avant chaque achat fini par être perçu comme incongru, car il faut bien le dire, le moteur du marchandage est la ruse. Les touristes étrangers non avertis constituent des proies faciles aux mains de certains vendeurs sans scrupule.

Aux touristes et africains de la diaspora  il faut le rappeler le marchandage est un comportement ancestral  qui est devenu un mode vie en Afrique. Toutefois, un antidote assez efficace contre lui c’est de demander d’entrée le dernier prix en prévenant qu’on a déjà marchandé chez un autre pour faire comprendre que si l’offre est intéressant on prend, sinon on retourne à coté. La menace d’aller voir à coté amène, deux fois sur trois, les marchands à faire des propositions raisonnables.

Du reste, la question peut se peut se poser de savoir pourquoi nonobstant les gros efforts  de modernisation sur le continent, les avancées dans ce domaine sont si timides. On dirait même que le phénomène prospère puisqu’il fonctionne  dans les endroits où il était jadis supposé absent, dans les maisons de commerce, les boutiques des libanais, voire même certains hôtels et pharmacies.

En définitive, pourquoi ne pas faire utile et restreindre le marchandage à certaine place exclusivement  tout le monde y gagnerait.

Le marchandage constitue donc une autre illustration du poids de la tradition orale sur nos vies. les marchandises sont bien souvent vendues selon les comportements acquis de la tradition orale puisque  que la majorité des articles mis en vente ne porte aucun prix fixé.


La démocratie béninoise à l’épreuve de la rue

marche de l'opposition a Cotonou dec 2014

A Cotonou ce jeudi 11 décembre 2014, comme hier à Porto-Novo, plusieurs milliers de personnes ont manifesté pour réclamer l’organisation d’élection des élections  municipales et cantonales, initialement prévues en 2013 et repoussées sine die. Une marche qui soumet la démocratie à l’épreuve de la rue.

A l’appel des partis de l’opposition et des organisations de la Société Civile regroupés au sein de  la plateforme des forces démocratiques et du Parti du renouveau démocratique (Prd), des centaines de milliers de béninois ont marché à travers les rues  de Cotonou ce jour, pour s’insurger contre l’impasse électorale qui prévaut dans le pays et exigé l’organisation sans délai des élections municipales et cantonales, prévues par la constitution, surtout en ce jour, ou la Constitution du pays souffle ses 24 bougies.

En effet, depuis18 mois, les béninois attendent avec impatience l’organisation des élections municipales et communales reportées sine die. Depuis 18 mois donc, les maires au Bénin dirigent les municipalités sans un mandat de leur population. L’impatience est d’autant plus grande que les législatives sont attendues en mars 2015 et les présidentielles en 2016 et depuis, aucune perspective sérieuse à l’horizon, une impasse, selon l’opposition béninoise. Cette impasse est marquée par l’incertitude sur l’organisation de ces élections et les tergiversations dans la correction de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi).

La marche organisée ce jour apparait donc comme un rappel à l’ordre pour le gouvernement, invité à prendre ses responsabilités. Globalement le pari de la mobilisation est largement tenu. Les rues de Porto-Novo, la capitale du Bénin étaient noires de monde hier et ce jour, à Cotonou, un monde impressionnant a battu le macadam pour la même cause. De la place Lénine à la place de l’Etoile Rouge, une foule estimée entre 200 000 et 300 000 a déferlé dans les rues de Cotonou sous la bannière : « ELECTION OU DEMISSION ». Autan le dire, Cotonou était à l’école de Ouagadougou hier.

 L’opposition béninoise est désormais unie dans sa bataille pour la sauvegarde des acquis démocratiques.

« Nous exprimons à travers cette marche notre désarroi face à la confiscation du droit de vote des citoyens que nous sommes », a déclaré à l’AFP Augustin Ahouanvoebla, député du Parti du Renouveau Démocratique (PRD) : « La non-organisation des élections municipales et locales est une violation et le gouvernement doit prendre la mesure du mécontentement populaire » a-t-il ajouté.

Selon le professeur Joseph Djogbénou, président d’honneur du parti Alternative citoyenne (Ac) et membre du bureau de coordination de la plateforme, l’opposition dans son ensemble exige, entre autres, l’ouverture sans délai d’un dialogue avec la prise d’une loi dérogatoire pour faciliter l’organisation des élections, la mise à disposition du fichier électoral et l’arrêt du bradage du patrimoine économique national

Interrogé à la fin de la marche par la chaîne de télé nationale Canal 3, Lazare Sèhouéto, Député UN à l’assemblée Nationale et membre de la plateforme des Forces démocratiques a précisé : « La marche de ce jour est le deuxième avertissement du peuple au président Boni Yayi, dans son intérêt et celui de sa majorité, il faut qu’il fasse tout pour éviter le troisième avertissement.

Pour Candide Azanaï, député de la Mouvance présidentielle en froid avec sa famille politique: «La marche de ce jour n’est pas encore pour déboulonner Yayi Boni, mais pour qu’il entende le rugissement du peuple. S’il ne s’exécute pas, la prochaine fois, il sera placé devant le fait accompli.»

 Vivement que les exigences des uns, les prières des autres, voire les menaces à peines voilées, de quelques autres, aident le gouvernement et son chef à trouver les voies et moyens pour organiser enfin ces élections et redonner à l a démocratie béninoise ses lettres de noblesse.


Tripatouillage constitutionnelle en Afrique : jamais deux sans trois

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–          Je peux mettre une BD Papa

–          Sois gentil, laisse-moi suivre les évènements au Burkina Faso.

–          Le président a déjà changé la Constitution en question ?

–          Non ! C’est le peuple qui veut maintenant changer le président.

–          C’est impossible ça !

–          Si ! si ! Cela s’appelle une insurrection populaire.

–          Comment ça. Et l’armée papa?

–          L’Armée est avec le peuple.

–          Donc papa, si on était là-bas, vous serez aussi dans la rue comme on le voit là à la télé?

–          Quand l’intérêt de la nation est en jeu, on est citoyen ou on ne l’est pas.

–          Même notre prof a dit ce matin : « Ce que peuple veut, Dieu le veut» … Il a aussi ajouté : « Jamais deux sans trois » Pourquoi il a dit ça Papa.

–          Parce que la sagesse populaire dit que ce qui arrive une fois, peut ne plus jamais arriver. Mais ce qui arrive deux fois, arrivera une troisième fois.

–          C’est déjà arrivé un fois en Afrique ?

–          Ouais, ouais! grommelai-je en hochant la tête, c’était plus ou moins le cas au Niger en 2009 et au Sénégal en 2012. Mais là, au Burkina, l’insurrection populaire est  véritablement franche.

–          Après B c’est C non Papa?

–          Oui, répondis-je machinalement, sans vraiment comprendre le sens de la question.

–          Après Burkina Faso, c’est quel pays Papa ?

–          Je n’en sais rien. L’histoire nous le dira.

–          L’histoire ou l’avenir ?

–          Ouais, ouais, comme tu veux…

–          Je peux déjà mettre ma BD Papa ?

–          Ouais, ouais… La messe est presque dite.


Révisions constitutionnelles opportunistes en Afrique : le début de la fin ?

Blaise Compaore

 

L’Avarice perd tout en voulant tout gagner.
Je veux  pour le témoigner, non pas l’exemple de la Fable,
Mais, celui de Blaise Compaoré, le président du Burkina Faso au pouvoir au pouvoir depuis 1987.

Ayant pris le pouvoir après un putsch et régné sans partage pendant 27 ans, il projette amender une nouvelle fois  la constitution en 2014 pourbriguer un cinquième mandat en novembre 2015, alors même que la Constitution lui interdit de briguer plus de deux mandats.  Refusant de cautionner ce projet controversé, plusieurs barons de son parti l’ont quitté. L’opposition politique et la Société Civile ont énergiquement dénoncé le projet. Le gouvernement français l’a désapprouvé et même un communiqué du département d’Etat a exprimé sa «préoccupation pour ce qui concerne l’esprit et l’intention du projet de loi, qui vise à amender la Constitution, afin de permettre au chef d’Etat actuel de briguer un nouveau mandat de cinq an.

Mais rien n’y a fait. Tous ces signaux et avertissements sont tombés dans des oreilles de sourd.

Ce jeudi 30 octobre au matin, les députés burkinabè devaient examiner le projet de loi portant sur la révision de la Constitution permettant une nouvelle candidature du président Blaise Compaoré après 2015. Sous la pression de la rue, le vote a été annulé, mais trop tard.

Les manifestants ont pris d’assaut le Parlement et l’ont incendié. Le siège du CDP, celui de la Fedap-BC, la mairie de Bobo Dioulasso et l’hôtel Azalaï ont été incendié ou saccagés par des manifestants. Des pertes en vies humaines sont ignalées. La foule ne demande plus l’annulation du projet de révision, mais rien d’autre que la démission du Président Blaise Compaoré.

Plusieurs sources indiquent ce soir que le chef d’Etat Burkinabè aurait fui sa terre natale,

Certaines le signalent au Togo, d’autres au en Cote d’Ivoire ou au Sénégal.

S’étant lui-même ôté le plus beau de son bien.

Belle leçon pour les présidents faux démocrates de chez nous
Pendant ces derniers temps, combien en verrons-nous
Qui du soir au matin, rendre des comptes vont devoir,
Pour vouloir trop rester au pouvoir


Thomas Sankara, vingt-sept ans après :  “On peut tuer un homme, mais on ne peut pas tuer ses idées“

Thomas Sankara

L’opinion publique en Afrique sur les chefs d’Etat est toujours un grand point d’exclamation. La galaxie des chefs d’Etat africains regorge, en effet, des personnalités en tous genres. Fantoches pour quelques uns, fantasques pour quelques autres, fantômes même pour certains et heureusement, fantastiques pour une petite poignée.

Dans cette constellation exceptionnelle, on trouve en bonne place Nelson Mandela à propos de qui j’ai déjà dit tout le bien que je pense dans l’un de mes billets sur mondoblog. Autour de lui, brillent quelques autres identités remarquables dont-un  qui, personnellement, m’a toujours impressionné et inspiré : il a nom Thomas Sankara.

Issu d’une famille catholique, Thomas Sankara était un « Peul-Mossi ». Plutôt bel homme, sa vie très brève et son œuvre sont comparables à  un éclair qui transperce, éblouit et dont on ne se rend compte que longtemps après son passage.

Après sa formation militaire à  Madagascar, il devint en 1976 commandant du centre de commando de Pô. La même année, il fait la connaissance de Blaise Compaoré avec lequel il formera le Regroupement des officiers communistes (ROC) dont les autres membres les plus connus sont Henri Zongo et Jean-Baptiste Boukary  Lingani.

Secrétaire d’État à l’information en septembre 1981, il démissionne un an plus tard  du gouvernement du colonel Saye Zerbo. Premier ministre en janvier 1983 dans le gouvernement de Jean-Baptiste Ouédraogo,  il fut limogé et mis aux arrêts le 17 mai, après une visite de Guy Penne, conseiller de François Mitterrand. Un  coup d’État, le 4 aout 1983 le propulse à la magistrature suprême. Il définit son programme comme anti-impérialiste et entreprit de profondes reformes pour moderniser et rendre compétitif appareil d’Etat.

 Il voulait être un président différent, et dans une certaine mesure il l’a été.

Dorénavant, les ministres au mandat court et non-renouvelable furent contraints d’accepter de modestes indemnités et privilèges. Pour leur déplacement, Renault 5 à la place de la Mercedes et pour les voyages à l’étranger, seconde classe et simples hôtels.  Un champ est mis à la disposition de chaque fonctionnaire pour leur consommation personnelle et la prise de conscience des réalités agricoles du pays. Et pour booster la croissance par la consommation, le port, deux fois par semaine, du « Faso dan fani » un habit 100 % coton produit, tissé et cousu au Burkina, devient obligatoire. Sankara lui-même faisait d’ailleurs la publicité de ce tissu lors de conférences internationale.

Naturellement, comme tout homme, Sankara fera aussi des erreurs. Dans l’enthousiasme de la révolution, il remplace par exemple 2.600 instituteurs par des révolutionnaires peu qualifiés. Pour faire contrepoids à l’armée, il encouragera la création de sortes de milices qui finiront par créer de l’insécurité. Il musèlera également la presse, et mettra en prison quelques uns de ses opposants. Un conflit frontalier conduira à des affrontements avec le Mali, durant lesquels près de 100 personnes perdront la vie.

Mais, tous ces défauts sont comme contrebalancés et rachetés par la perspicacité, la générosité et la foi de l’homme. Sa foi dans l’homme noir, sa foi dans le continent noir, sa foi dans un autre avenir pour l’Afrique. Il a donc péché par perfectionnisme.

Très en avance sur son temps, il a compris, mieux que tous, que le sous développement de l’Afrique n’est pas une fatalité, mais plutôt la conséquence logique de nos manquements, de nos insuffisances et de l’histoire. C’est le résultat  de nos choix politiques, lesquels choix sont souvent contraires aux intérêts de nos pays. En effet, la responsabilité des africains eux-mêmes dans leur misère est en balance avec la responsabilité de l’impérialisme et du néocolonialisme.

Mieux que tous ses prestigieux pairs,  Thomas Sankara a compris et fait comprendre à ses congénères, le cercle vicieux qui maintient, jusqu’à nos jours, le continent noir dans le sous développement et dont les principaux rayons sont : une économie non basée sur nos besoins, la chape de plomb de la dette, la corruption qui creusent les inégalités et  les tares multiples portées par nos traditions qui gangrènent le progrès.

Mais, pas plus que Galilée ou Jésus en leur temps, Thomas Sankara sera incompris non seulement par ses pairs, mais aussi par ses frères et amis. La preuve, il  fut assassiné à 37 ans lors du coup d’État sanglant le 15 octobre 1987 organisé par celui qui était considéré comme son frère, Blaise Compaoré. Plusieurs jours plus tard, il fut déclaré «décédé de mort naturelle» par un médecin militaire.  Mais, comme nous le rappelle Victor Hugo dans son poême « La conscience » dans « La légende des siècles » : « l’œil était dans la tombe et regardait Caïn »

Oui,  comme Abel tué par Caïn dans la bible, Thomas Sankara fut tué par son frère Blaise dans un excès de jalousie.

Et comme l’a dit le poète, depuis ce jour, un œil le suit sans cesse. Il essaye par tous les moyens de s’en débarrasser mais où qu’il aille, l’œil est toujours présent. Il voulait le pouvoir par jalousie, il est devenu aujourd’hui un addict du pouvoir. L’histoire dira si  comme Caïn, l’overdose qui le menace  ne le conduira pas de se faire enterrer vivant …

Aux âmes bien nés, la valeur n’attend point le nombre des années, encore moins, celles passées au pouvoir. Sankara aura montré que seul le peuple peut changer ses conditions de vie. Vingt-sept ans après sa mort, il est un modèle revendiqué par toute la jeunesse africaine.

Une semaine avant sa mort, il avait déclaré : “On peut tuer un homme, mais on ne peut pas tuer ses idées“.

Au regard de l’actualité, au pays des hommes intègres, ils sont nombreux qui se cachent derrière leur petit doigt, mais qui n’échapperont pas au regard de leur propre conscience. Vingt huit ans après sa mort, ses assassins luttent toujours contres ses idées. Comme nous le rappelle  Abraham Lincoln :

« On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple  tout le temps ».


Burundi-Rwanda: le mystères des cadavres du lac Rweru bientot dissipé?

cadavres sur le lac Rweru
                                                                                           crédit photo: FIDH

–  ( l’un ) :       Non, ce n’est pas pour moi, c’est pour toi !

–  ( l’autre ) :   Non ! ce n’est pas pour moi, c’est bien pour toi !

A cet échange, on se croirait bien en face de deux gamins en train de s’accuser mutuellement de la responsabilité d’un mouchoir jeté au sol dans la cour de recré.

Sauf que là, nous ne sommes pas dans une cour de récré, mais sur les berges du lac Rweru, qui sépare le Burundi et le Rwanda. La pomme de discorde, ce sont des cadavres ligotés dans des sacs plastiques flottants sur l’eau et charriés par le fleuve depuis la mi-juillet. Pour le Burundi, ces corps sont emportés par les flots depuis la rivière Nyabarongo-Kagera, qui prend sa source au Rwanda voisin. Pour le Rwanda, aucune disparition n’est déplorée au Rwanda, c’est donc une affaire burundaise.

Officiellement, quatre cadavres ont été retrouvés ligotés dans des sacs plastiques flottant sur l’eau à la mi-août et deux autres en septembre. Mais sur place dans la commune Giteranyi en province de Muyinga, village situé près de l’embouchure de la rivière Kagera qui passe près de Kigali et du lac Rweru,  les pêcheurs affirment avoir aperçus et dénombrés plus de 40 cadavres flottant sur le lac Rweru depuis le mois de juillet, ce que confirment l’administration et la police locales.

Fin août, une commission d’enquête mixte burundo-rwandaise a été mise sur pied pour déterminer l’origine des corps. Le porte-parole du président burundais Pierre Nkurunziza, Willy Nyamitwe, a réaffirmé cette semaine sur Radio France Internationale que son pays travaillait « en synergie » avec le Rwanda sur le dossier. Mais, en fait d’enquête conjointe, chaque partie cherche plutôt à tirer son épingle du jeu. Visiblement l’exercice embarrasse la partie burundaise et agace la partie rwandaise. D’ailleurs, les deux  parties ont livré séparément leurs conclusions.

Philippe Nzobonariba,  secrétaire-général et porte-parole du gouvernement burundais a  sur RFI le 27/09/14 réaffirmé la position de son pays : « Chez nous, du côté burundais, on sait que ces corps, d’après la déclaration de la population locale, ont été charriés en provenance de la rivière Kagera qui vient du Rwanda ». Bien avant lui, le porte-parole de la police rwandaise avait, quant à lui déclaré que son pays n’avait pas besoin d’enquêter puisque personne n’avait disparu au Rwanda.

Toutefois, sur le terrain, les associations de défense des droits humais s’activent autour de la question.  Même si leur action n’est pas facilitée par les instances gouvernementales, elles ont noté une multiplication des disparitions enregistrées au Rwanda ces derniers mois. Dans un communiqué conjoint publié simultanément à Kigali, Bujumbura et Nairobi (Kenya), le 26/09 14, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH, basée à Paris), la Ligue des droits de l’homme dans la région des Grands lacs (LDGL) qui a son siège à Kigali et la Ligue burundaise des droits de l’homme (Iteka), affirment qu’elles suspectent Kigali d’avoir joué un rôle dans le meurtre de personnes dont les corps ont été retrouvés depuis juillet dernier flottant sur le lac Rweru à la frontière entre le Rwanda et le Rwanda et  demandent par ailleurs la mise en place d’une commission d’enquête internationale.

Pour ma part, ce qui est étonnant dans toute cette situation, c’est le silence total des chancelleries et des institutions nationales et panafricaines. En admettant même que ces personnes ne soient ni burundais ni rwandais, a priori ils sont bien des africains et à mon sens, leur tragique sort méritent d’interpeller les instances panafricaine.

 Du point de vue sécuritaire, ces crimes sont-il l’œuvre de quelques groupes crapuleux, djihadistes ou mafieux apparus dans la région ? ceci est une préoccupation qui mérite des clarifications pour la sécurité du peuple.

Et ci ce n’était pas le cas, alors du point de vue  des droits humains, ces crimes seraient-il des exécutions extrajudiciaires? La encore la question devrait émouvoir les instances judiciaires nationales et régionales. Mais hélas ! La vie des citoyens africains n’a d’importance pour les politiques qu’à l’heure des suffrages.

Finalement la seule voie autorisée et officielle dans cette série noire est venue d’outre Atlantique. Dans un communiqué publié vendredi 26/09 14, les États-Unis demandent au Rwanda et au Burundi de mener d’urgence des « enquêtes rapides, approfondies, impartiales et concertées (…) avec le concours d’experts légistes indépendants et internationaux » pour faire toute la lumière sur le mystère des dizaines de cadavres vus flottant sur le lac Rweru depuis la mi-juillet. Les « victimes méritent d’être identifiées », leurs familles « de connaître leur sort » et les « coupables doivent être traduits devant la justice », a expliqué la porte-parole du département d’État américain Jennifer Psaki, dans le communiqué distribué à Bujumbura.

Selon des sources concordantes à Bujumbura, Washington aurait proposé l’aide du FBI pour éclaircir cette mystérieuse affaire.  Visiblement, la proposition américaine reconforte le Burundi. « Nous acceptons la proposition d’assistance du FBI », a dit à RFI le conseiller en communication du président Nkurunziza, Willy Nyamitwe, expliquant qu’il s’agissait de la seule offre concrète d’assistance étrangère jusque-là. « Le Burundi ne peut refuser aucune aide extérieure pour élucider ce mystère de cadavres flottants dans le lac Rweru et charriés par la rivière Akagera », a-t-il ajouté.

Vivement que la lumière soit faite sur ce drame humain et qu’une sépulture digne soit donnée à ces pauvres victimes et les responsables d’une telle atrocité punis.


Au Bénin, la démocratie en déshérence

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Au Bénin, les élections locales, communales et municipales prévues pour mars 2013 sont reportées sine die. En cause, l’absence d’une liste électorale fiable et acceptée de tous. Accusé par l’opposition de bloquer à dessein la correction de la liste électoral et donc  l’organisation des élections, le chef de l’Etat a avoué, ce lundi 23 septembre, l’incapacité de son Gouvernement à financer la correction du fichier électoral et des prochaines élections dans le pays, parce que : « la trésorerie de la puissance publique ne se porte pas bien ». Un aveu qui sonne comme une oraison funèbre pour la démocratie béninoise.

La pomme de discorde

Depuis plus d’un an, les béninois attendent avec impatience l’organisation des élections municipales et communales reportées sine die. L’impatience est d’autant plus grande que les législatives sont attendues en 2015 et les présidentielles en 2016.

Invité ce dimanche 21 septembre, de l’émission ‘’Zone franche’’ de la télévision béninoise Canal 3, le président du Parti du renouveau démocratique (Prd), Me Adrien Houngbédji, candidat malheureux aux élections de 2011, a clairement indexé le gouvernement de Yayi Boni de bloquer à dessein les élections municipales et communales dans le pays. La réponse de la bergère au berger est venu le lendemain lundi 23 septembre.

A la faveur d’une tournée à Boko, commune de N’dali dans le Nord du Bénin, le Président Boni Yayi a avoué l’incapacité de son Gouvernement à financer l’organisation des prochaines élections. Devant les braves villageois venus célébrer le raccordement de leur village au réseau électrique nationale, le chef de l’Etat à livré sa conception de la démocratie dont voici une transcription de l’extrait qui est diffusé par l’ORTB, la chaîne nationale.

 « Une démocratie doit nous permettre d’organiser les élections à bonne date. Mes chers compatriotes ! Vous me direz, quel est le lien entre l’électricité et la démocratie. Cela se tient. Parce que s’il n’y a pas la stabilité, il ne peut pas avoir de prospérité. Nous sommes encore en difficulté pour organiser nos élections. Les élections coûtent chères dans notre pays. Elles coûtent excessivement chères. Tenez. Depuis 2006, moi je suis venu aux affaires. Nous avons dépensé plus de 100 milliards pour organiser les élections. 100 milliards, mes chers compatriotes. Je demande à la presse de relayer cela. J’aurai l’occasion de me prononcer là-dessus. Chacun est libre de raconter ce qu’il veut. C’est triste. Je suis triste pour mon pays. Triste ! […]La situation est dramatique. Aujourd’hui, il nous faut encore 22 milliards. Dans une situation où la trésorerie de la puissance publique ne se porte pas bien. Parce que, pour des raisons de conjoncture nationale, régionale et mondiale.[….] Ceci demande d’autres ajustements au moment où nous sommes appelés à relever d’autres défis. .[….] .,. Lorsqu’on est responsable, il faut s’asseoir et mener le dialogue…. »

 

Chronique d’un carambolage annoncé

Pour bien comprendre la portée des propos du chef de l’Etat, il faut prendre en compte deux situations antérieures.

Primo, un projet de révision constitutionnelle est, actuellement, en étude  à l’Assemblée et l’opposition prête à tort ou à raison l’intention de modifier le texte constitutionnel pour briguer un troisième mandat. Or, depuis quelques mois, Mathurin Nago, le président de l’Assemblée, fidèle parmi les fidèles du chef de l’Etat a pris ses distances avec ce dernier dont il critique vertement la mauvaise gouvernance. Ceci indique donc que la reforme constitutionnelle via le parlement ne peut plus prospérer.

Secundo, pour palier le vide juridique causé par le report des élections municipales, l’Assemblée a voté en 2013, une loi qui proroge de façon indéterminée le mandat des maires. Donc depuis un an et demi, les maires au Bénin dirigent sans un mandat de leur population.

Ainsi, en s’inscrivant dans la vision du chef de l’Etat, faute de moyens, les élections législatives ne seront pas organisée en 2015, l’Assemblée devra alors voter une loi qui proroge le mandat des députés. En 2016, les présidentielles deviendront les élections générales ou les mêmes causes provoquant les mêmes effets, les élections présidentielles aussi seront reportées sine die et les députés obligés de voter une loi pour proroger le mandat du chef de l’Etat qui aura alors légalement sa rallonge. Un joli carambolage démocratique en perspective.

Une  situation triste et dramatique !

En 2011, tous les sondages et analyses donnaient le président Boni Yayi battu au second tour dans tous les cas de figures. A l’arrivée, il n’y a pas eu de second tour. Il est miraculeusement élu dès le premier tour. En 2014, on le soupçonne de vouloir modifier la constitution pour briguer un troisième mandat et il prévient déjà que la puissance publique n’a plus de moyens pour organiser les élections. Quand on sait que le président Boni Yayi lâche rarement ses idées, la question qu’il faut se poser est quelle est la surprise du chef que le président Boni Yayi prépare pour  le Bénin son pays qu’il aime si tant.

Le slogan des partisans du président Boni Yayi depuis quelques temps est : « après nous, c’est nous »,  les derniers propos du chef de l’Etat, donne, probablement, un décryptage de ce curieux slogan qui certainement sous-entend : Après nous c’est nous ou personne. L’avenir dira ce qu’il faut y entendre.

Cette situation kafkaïenne me rappelle cette pensée de Shakespeare: « homme, oh homme vain, drapé d’un peu d’autorité, tu joues devant les cieux de si grotesques comédies, que tu ferais pleurer les anges ». Au Bénin, c’est le peuple tout entier qui n’a plus que ses yeux pour pleurer car l’homme providentiel qu’il s’est trouvé en 2006 est devenu le bourreau de sa démocratie.

Au demeurant, on n’est bien forcé d’être d’accord avec le président Boni Yayi quand il dit que la situation est vraiment  triste et dramatique.

Il est, en effet, triste de voir un serviteur du peuple qui trouve des moyens pour faire tant et tant de choses non planifiées pendant des années et qui se retrouve sans moyens pour faire les choses programmées de longue date par la constitution et attendues par le peuple, son mandataire. C’est aussi triste qu’un père de famille qui a les moyens pour les œuvres charitables, mais se retrouve sans moyens pour scolariser ses enfants

N’est-il pas triste de voir un président démocratiquement élu qui, au moment de passer la main, prétend que les élections coûtent cher et que la trésorerie de la puissance publique n’a pas de moyens pour organiser des élections. C’est aussi triste qu’une personne qui parvient au sommet et tente de balancer l’échelle qui a permis son ascension pour demeurer seul au sommet.

Qu’y a-t-il de plus triste que de voir la démocratie béninoise à l’instar des démocraties africaines, vieillir sans mûrir ?

Disons le tout net, cette tristesse dérange car elle interpelle.

Une mobilisation de tous

Comme toujours les réactions des partisans du président font dans le déni ou dans la langue de bois. Personne ne pouvant dire au chef qu’il a fait une gaffe, tout le monde s’évertue à dire que sa pensée est mal comprise. D’ailleurs une réunion d’urgence du gouvernement ce mercredi 24 septembre a annoncé une batterie de mesures pour accélérer la correction du fichier électoral et la convocation du collège électoral. Mais, il faut rappeler au peuple qu’il n’a pas élu le gouvernement mais bien le président. Il serait donc imprudent  de minimiser les propos du chef de l’Etat car il y a bien péril en la demeure. Il faut souhaiter que les élites politiques, administratives, le clergé la société civile se donnent toute la main pour doivent réclamer les élections à bonne date et préserver la paix sociale dans le pays


Au Nigeria, on se couche dans la République et on se lève dans le califat de Boko Haram

boko haram

 

Au nord du Nigeria, les attaques de Boko Haram sont devenues quotidiennes et de plus en plus intenses. Visiblement, Boko Haram a changé de stratégie en passant d’actions de guérilla à des phases de conquête territoriale. Depuis le 24 août 2014, le groupe islamiste revendique la création d’un État islamique à Gwoza et menace de s’emparer de la partie nord-est du Nigeria, une situation qui rappelle le cas du  Nord-Mali en 2011-2012. Vu que ces offensives s’étalent sur plusieurs fronts en direction du Cameroun, du Tchad et du Niger, la question se pose de savoir  si la géopolitique de la sous-région n’est pas en train de se modifier petit à petit sous nos yeux ?

Au secours, les Barbares arrivent !

Les témoignages et récits en provenance du nord-est du Nigéria se suivent et se ressemblent tous, les invasions barbares de Boko Haram n’ont plus de limites. Le groupe islamiste opère des razzias dans les États de Borno, de Yobe et d’Adamawa. Face à ces exactions, la réaction de l’armée nigériane est toujours la même : le déni, malgré le faisceau d’indices concordants et accablants.
Le 6 août, la ville de Gwoza a été prise et  celle de Buni Yadi, deux semaines plus tard.  Le dimanche 24 août Abubakar Shekau, dans une vidéo déclare que la ville de Gwoza, contrôlée par ses hommes, était placée sous le règne du « califat islamique », sans lier explicitement cette référence à la situation en Irak. De toute évidence, face à la puissance de feu des troupes de Boko Haram, le moral des troupes nigérianes en prend un coup. Le 24 août, 500 soldats nigérians fuient les villes de Kerawa et Ashigashiya, et se réfugient au Cameroun.  Le lendemain, la ville nigériane de Gamboru Ngala, tombe sous le contrôle de Boko Haram. Cette attaque a provoqué le repli à Fotokol, au Cameroun, de milliers d’habitants de la localité et une seconde vague d’environ 200 militaires nigérians. Deux jours plus tard, Ashigashiya village frontalier du Cameroun est prise sans résistance par Boko Haram. De l’autre coté de la frontière, les villages camerounais de Kerawa et Garkara et la ville de Kolofata sont  sous très forte pression.

Le groupe islamiste contrôle désormais trois districts de l’État de Borno, ainsi qu’au moins un district dans deux États voisins, Yobe et Adamawa. Mais paradoxalement, l‘armée fédérale continue de réaffirmer que « la souveraineté et l’intégrité » du territoire nigérian sont « intactes », sans apporter la moindre réponse aux nombreuses préoccupations des Nigérians.

Que deviennent les lycéennes enlevées par Boko Haram en avril par le groupe islamiste ?

Que sont devenus la femme du vice-Premier ministre camerounais, le chef traditionnel Seini Boukar, les membres de sa famille et toutes les personnes enlevées à Kolofata fin juillet ?

Quel sort est réservé aux soldats loyalistes et aux milliers de nigérians réfugiés au Cameroun ?

Autant de questions qui restent sans réponses.

David contre Goliath

Pourtant  l’armée nigériane est réputée être la plus performante du continent. Elle dispose d’un budget colossal de 968 milliards de nairas (4,5 milliards d’euros), mais reste désarmée face à la progression de Boko Haram. On sait que face aux guerres asymétriques, les armées classiques sont sans ressources, mais Boko Haram ne mène plus une guerre asymétrique puisque les combats se font face à face et ce sont les forces loyalistes qui sont mises en déroute. Boko Haram est une rébellion née sur le territoire nigérian et leur repère est sur le territoire nigérian. C’est une armée forte de 6 à 8.000 combattants, un nombre qui peu difficilement passé inaperçu mais reste infime face à l’armée fédérale qui compte 80.000 militaires et 82.000 paramilitaires, selon le rapport 2014 de l’Institut international d’études stratégiques (IISS).

A défaut donc de se confronter à eux, on peut les juguler en contrôlant leur réseau d’approvisionnement en vivres et en armes.

Mais depuis bientôt un an que ces offensives ont recommencé, face à la puissance de feu de Boko Haram et la facilité stupéfiante avec laquelle ses combattants se déplacent dans toute la région nord-est, l’état-major des armées ne brille que par des effets d’annonce, tandis qu’à  Abuja, le gouvernement opte pour la politique de l’autruche. Et pendant ce temps sur le terrain, l’armée nigériane va de déroute en déni et de déni en compromission.

Demandez et l’on vous donnera;

Finalement, ce n’est que mercredi 3 septembre, à Abuja, lors d’une réunion entre le Nigeria et quatre de ses voisins (Bénin, Cameroun, Tchad et Niger) que  les autorités nigérianes ont appelé la communauté internationale à l’aide. Ce n’était pas trop tôt, mais c’est une avancée dont il faut prendre acte et en tirer les conséquences. Toutefois, il faut l’avouer, l’idée que la puissante armée nigériane appuyée par toutes les armées des Etats de la sous-région ne parvient pas à vaincre Boko Haram est inacceptable pour un grand nombre de personnes et les interrogations fusent de toute part. Dans la stratégie de lutte contre Boko Haram, les bonnes personnes sont-elles à la bonne place ? Et si oui, les affectations budgétaires appropriées sont-elles mises en œuvre ? Et enfin quelle est même la stratégie mise en œuvre dans cette lutte tant elle est floue ?

Faut-il le rappeler, le Nigeria est la première puissance africaine, puissance économique et puissance militaire, et elle est en incapacité de résoudre un problème de rébellion interne engendrée par ses propres contradictions et appelle à l’aide internationale. En élargissant la réflexion à l’échelle continentale, la question devient très préoccupante. L’Afrique appelle à l’aide internationale pour Ebola et pour Boko Haram, comme elle le fait déjà pour le paludisme, pour le sida, pour la famine, les sécheresses, les inondations, les conflits, etc. En définitive, quelle nation africaine au sud du Sahara, se montre capable de résoudre, par elle-même, les problèmes que soulève son propre développement ? Je n’aimerais pas troubler le repos d’Aimé Césaire dans sa tombe, mais la question se pose malheureusement en ces termes.

Du reste, Il n’y a pas de péché à demander et dorénavant, l’unique question qui se pose au Nigeria est de savoir sous quelle forme cette aide viendra et quand elle viendra. Au Mali en 2012, la France est intervenue in extremis pour sauver l’Etat malien. Quelle nation occidentale prendra actuellement une telle responsabilité au Nigeria ?

Au demeurant, Faut-il croire que le Nigeria actuel est à l’image de la Rome antique où, chaque invasion barbare préfigure un Empire affaibli, un Empire décadent, une armée en déconfiture et un leadership agonisant ? Le pronostic vital du règne du bien chanceux Goodluck Jonathan serait-il déjà engagé ? Quel avenir pour le mammouth africain ? Févier 2015, date des prochaines élections dans le pays, délivrera les secrets de l’oracle.